Emmanuel Mané-Katz -dit «Morez»- a connu son heure de gloire dans l’après-guerre, quand les plus
Morez collabora à des titres aussi différents que «Krokodil», journal humoristique soviétique, «Lui», «Paris-Match», «Le Pèlerin», «Punch». Il est vrai que les humoristes s’encombrent rarement d’idéologie.
Prolifique, Morez a donc rarement été publié sous forme de recueil. «Afourismes», au «Cherche-midi», comble cette lacune. S’il n’est pas aussi subversif qu’Alphonse Allais, dynamiteur subtil de cette religion de l’homme moderne qu’est le « progrès », reculant à mesure qu’on s’approche de lui, Morez polit des aphorismes ou des bons mots, et les intercale entre ses dessins, évocateurs des saillies du maître normand. Voyez plutôt :
« Le maroquinier a licencié l’apprenti, il l’a surpris la main dans le sac. » ;
« Elle ne va plus à la selle quand elle monte à cheval. » ;
« Un type trop « raide » pour se payer une boîte de viagra » ;
« Ils s’entendent à merveille : il est peintre, sa femme est cadre. » ; ces facéties nous rappellent que l’art populaire a toujours comporté une part de raillerie ou de désinvolture vis-à-vis du langage, sacré en revanche du point de vue de l’élite et de ses rhéteurs.
Morez a aussi en commun avec certains artistes du «Chat Noir» une opportune reconversion de peintre en dessinateur humoristique, en des temps où la peinture de chevalet ne sert plus guère qu’à épater le chaland ou à l’art-thérapie.
Comme il ne traînait pas de «Paris-Match», de «Lui» ou de «Pèlerin» dans le grenier de mon grand-père, qui préférait les quotidiens plus adéquats pour allumer le feu ou dégraisser la vaisselle, je dois avouer que Morez (nonagénaire) est pour moi une heureuse découverte. Son trait évoque un peu celui de Sempé, en plus franc.
Afourisme, Morez, éd. du Cherche-midi, nov. 2013.