Tribune à lire sur le blog de Bernard Antony
Les catholiques un peu excessivement adulateurs de François me font penser aux Japonais qui, après le désastre et les immenses tragédies de la guerre, eurent encore à subir la terrible affliction d’une proclamation d’un Hiro-Hito, au nouvel an de 1946, leur déclarant que désormais il ne faudrait plus le considérer comme un Dieu. Moyennant quoi, dans un silence absolu, la foule de ceux rassemblés à Tokyo pour entendre la proclamation se prosterna longuement : l’empereur-Dieu avait parlé. Il avait eu ses raisons pour proclamer cela. Mais Dieu il était et Dieu il demeurerait puisque indéniablement descendant de la déesse du soleil Amaterasu.
Papolâtrie ?
D’après ce que nous en lisons partout, François, qui ne descend pas d’Amaterasu mais simplement de l’honorable famille des Bergoglio, entend dépouiller la fonction pontificale de trop de falbalas, de trop de sacralisation, de trop d’héritage constantinien et monarchoïde. Pas de courtisanerie, pas d’inconditionnalité s’il vous plait, lance-t-il en substance, droit dans ses groles et rieur comme un bon pizzaïlo en campagne électorale façon populiste, serrant les pognes et distribuant des bonbons.
Moyennant quoi, plus forte que les « japs » de 46, l’adulation va crescendo, si bien que certains, sans peur de la contradiction, professent à son égard la plus sourcilleuse et inconditionnelle papolâtrie. Pour ce qui est de nous, nous croyons qu’en parfaite cohérence avec la ligne de François, il nous est très catholiquement loisible de n’en être pas inconditionnel, ce qui n’a rien à voir avec le juste respect du dogme de l’infaillibilité.
Pour parler un peu populistement, qu’il secoue un peu la curie, voire qu’il entreprenne de nettoyer les vaticanes écuries d’Augias et bouscule un peu de dodelinants monsignores, que l’on nous pardonne, nous n’en avons, comme aurait dit Jacques Chirac, rien à secouer. Même si, nonobstant, nous ne sommes pas sûr de ce que l’apparente simplification du style de vie de pape, au demeurant coûteuse et liée à une hyper médiatisation, ne relèverait pas d’une dérive personnaliste au dépend de l’humilité dans la grandeur de la fonction.
Le style en rupture
Mais ce qui nous laisse davantage perplexe c’est, trop souvent, l’ambiguïté de ses propos et de ses positions et aussi des décisions prises, semble-t-il, très autoritairement, rompant certes avec le style un peu timoré sans doute mais très prudent de son prédécesseur et toujours actuel et bien portant voisin.
Quoiqu’il en soit, cela prendra sa place, sans doute pas dans l’ordre du pire, dans le long cheminement (du moins à durée humaine) de l’Église immaculée de Jésus-Christ que porte son institution à la fois magnifique et marquée par le péché. Je suis de ceux qui, sachant comme Jacques Bainville que « tout a toujours très mal marché », ne désespèrent pas.
Ainsi l’histoire de l’Église catholique est-elle marquée splendidement par l’œuvre de ses saints, mais on y trouve aussi matière à une saine et quelquefois roborative relativisation des tristesses du temps présent. Par exemple, n’est-elle pas plaisante, si l’on peut dire, l’histoire de Benoît IX (11° siècle) qui occupa le siège papal sur trois périodes distinctes, entre lesquelles se glissèrent celles de Silvestre III, Grégoire VI et Clément II.
Jean XX
Et à quelqu’un qui récemment me demandait quel était, selon moi, le pape qui avait commis le moins d’erreur, j’ai répondu : Jean XX ! Jean XX ne connut pas, en effet, le sort atroce de Jean XVI, soutenu par Byzance mais excommunié par l’Église d’Occident. Mais je laisse aux curieux le soin de se pencher sur le cas de Jean XX.
Pour revenir à nous, de par la petite indiscrétion de l’ami d’un des jardiniers du Vatican, j’ai appris l’heureuse nouvelle du bon état de santé de Benoît XVI. Je me plais à imaginer, à la façon d’un roman de Raspail, qu’il pourrait lui aussi revenir sur le troue de Pierre. Sinon, soyez-en sûrs, c’est pour longtemps que les supputations sur sa renonciation nourriront les magazines et les émissions historiques….