Depuis deux ans, ma compagne profite de la période de Noël pour ranimer une certaine convivialité entre les habitants de notre escalier. A certains, triés sur son volet d’amitié, nous offrons des gâteaux faits maison. C’est d’autant plus remarquable de sa part, qu’elle-même, ne mange jamais de gâteaux ! Les vacances scolaires et la proximité des fêtes encourageant les voyages vers la famille ou au contraire l’arrivée d’enfants et petits-enfants, nous devions cibler cette semaine car la plus propice à notre projet sans pour autant déranger les voisins dans leurs retrouvailles familiales.
D’abord sélectionner une recette et pour que ce soit plus sympathique, ne pas reprendre celle de l’an passé, tout en ne perdant pas de vue que le gâteau doit être dans l’esprit de Noël. Le hasard nous l’a désigné, un Pain d’épices à la courge muscade. Une recette simple à exécuter et très parfumée au goût.
Donc hier après-midi, branle-bas dans notre petite cuisine. L’étroitesse des lieux imposait une organisation quasi militaire pour éviter tout accident, genre paquet de farine qui tombe, pot de miel qui se casse ou bouteille d’huile se répandant sur le plan de travail. Un truc qui fait rire dans les dessins animés ou comédies américaines, mais qui m’aurait mis en transes exaspérées ici. D’où l’application de ma méthode, ma douce me dictant la manœuvre tandis que je l’exécutais de mon mieux car novice en la matière. Je mentirais en disant que tout s’est déroulé sans énervement de par et d’autre, chacun de nous deux ayant son idée toute personnelle du court et du moyen terme dans l’ordre de réalisation de la recette, mais et c’est l’essentiel, tout s’est bien passé. Profitant de la cuisson, j’ai fait la vaisselle – car on en passe toujours par cette phase – tandis que le four dégageait lentement ses odeurs sucrées de dessert en gestation.
Une fois cuit, démoulé et mis à refroidir, l’instant fatidique est arrivé, goûter le résultat final. Sans tergiverser, je me suis proposé comme volontaire, il faut savoir prendre ses responsabilités, sous l’œil anxieux de ma douce. Je découpe une tranche, en tâte la fermeté de la pointe du couteau, la cuisson est parfaite, l’extérieur et l’intérieur combinent parfaitement leur texture différente ce que confirme la première bouchée. Dense mais moelleux. Ensuite, plus on en mange, plus les saveurs vous embrouillent les papilles, l’anis, le girofle et autres douceurs vous ensorcèlent au point que je me laisserais emporter par l’appétit naissant si ma douce n’intervenait pas fermement, me rappelant que ce pain d’épices est principalement destiné aux voisins et qu’éventuellement, s’il en reste, je devrais m’en contenter. La raison l’emportant mais l’œil chagrin, je me range à son avis.
Nous avions acheté des assiettes en carton décorées aux couleurs de Noël, sur lesquelles nous avons disposé des tranches en nombre raisonnable – c’est un geste aimable, pas un buffet à volonté – et ma douce est partie dans les étages, distribuer ses douceurs sucrées. Resté seul devant la table de la cuisine, j’ai contemplé le beau morceau restant, un grand sourire illuminait mon visage.