Le grand chemin

Publié le 09 mai 2008 par Frédéric Romano

Le plus amusant lorsque l’on crée un concept c’est de savoir qu’on est maître de le modifier, de le contourner ou même de le détruire. Ce message est un peu différent des autres. Il ne commence pas par un dialogue, ces quatre répliques qui sont sans doute la seule chose véritable, connue et vérifiable sur ce blog. “Je” vous parle directement pour vous remercier de suivre depuis plus d’un an maintenant Little Computer People.

Aujourd’hui j’ai fait une chose étrange. Poussé par je ne sais quoi, j’ai décidé d’aller m’assoir deux heures au beau milieu de la place Louise et d’y contempler le monde. C’est étonnant le nombre de visages connus que l’on peut croiser en deux heures de temps. Eux sont réels, il vivent sur ma Terre, je les connais de vue et parfois de nom. Derrière eux il y avait les gestes, les émotions et les manies de Thomas, Samuel, Salma, Robert, Gabriel, Augustine, Aurélie, Emeline, Denis, Hubert, Gustave, Guillaume, Muriel, Matisse, René, Marc, Julie, Charlotte et Gérald. Il y avait vous, il y avait moi et derrière moi il y avait Romain. Nous regardions tous dans des directions différentes et nous ne sommes pas vus.

Ce blog est mon monde à moi, une thérapie pour me retrouver et me mettre en quête de mon propre chemin.

“Ils se séparèrent au prochain carrefour. Henri-Maximilien choisit la grand-route. Zénon prit un chemin de traverse. Brusquement, le plus jeune des deux revint sur ses pas, rejoignit son camarade ; il mit la main sur l’épaule du pélerin :
- Frère, dit-il, vous souvenez-vous de Wiwine, cette fillette pâle que vous défendiez jadis quand nous autres, mauvais garnements, lui pincions les fesses au sortir de l’école ? Elle vous aime ; elle se prétend liée à vous par un vœux ; elle a refusé ces jours-ci les offres d’un échevin. Sa tante l’a souffletée et mise au pain et à l’eau, mais elle tient bon. Elle vous attendra, dis-elle, s’il le faut, jusqu’à la fin du monde.
Zénon s’arrêta. Quelque chose d’indécis passa dans son regard, et s’y perdit, comme l’humidité d’une vapeur dans un brasier.
- Tant pis, dit-il, quoi de commun entre moi et cette fille souffletée ? Un autre m’attend ailleurs. Je vais à lui.
Et il se remit en marche.
- Qui ? demanda Henri-Maximilien stupéfait. Le prieur de Léon, cet édenté ?
Zénon se retourna :
- Hic Zeno, dit-il. Moi-même.”

Extrait de L’œuvre au Noir de Marguerite Yourcenar (première partie : la vie errante, le grand chemin)