La fin ou le début?
Le roi plongé dans ses papiers, stylo à plume d’or en main, congédia secrétaires et conseillers particuliers d’un geste qui ne souffrait aucun délai! Tous s’éclipsèrent préférant ne pas affronter son regard excédé.
Soucis, trahisons, pièges et autres perfidies il avait son compte et l’image d’un faible mou et débonnaire se détériorait, son côté soupe au lait, colérique prenait le dessus et l’armada des valets et la nuée des frelons de la cour tremblait.
⁃ Huissier 1(petit et gros): Le roi est de mauvais poil, aujourd’hui, sussura-t-il, une vraie pile électrique!
L’autre (grand et maigre) grimaça d’un air entendu.
⁃ Huissier 2: Il a des soucis, des griefs contre tout le monde, Ministres indisciplinés, les bourdes de Premier, sans compter la favorite qui le contrarie avec ses caprices!
⁃ H1: Exact difficile de tenir tout son monde, il a pris un coup de vieux, tu ne trouves pas, moi si j’étais lui j’enverrai tout promener…
⁃ H2: Oui, mais tu n’es pas lui, ça se saurait, même si tu lui ressembles! (éclats de rire)
⁃ H1: Chut, imprudent, il va nous entendre…
⁃ H2: (gloussements étouffés) La presse n’est pas tendre avec lui, il va nous faire un gros caca nerveux! Il se fait lessiver, tu as vu les caricatures…
⁃ H1: Idiot, ton manque de respect te perdra.
⁃ H2: Oh, moi ce que j’en dis, tu sais la politique m’ennuie à mourir!
⁃ H1: (rire) Eh bien meurs, tu es bien assuré?
⁃ H2: Pour ce qu’on gagne…
⁃ H1: Jamais content, là tu exagères mon ami, tu veux te retrouver au chômage, tiens ta langue!
Le conseiller particulier au regard sombre et soupçonneux passa devant eux, les toisant avec mépris, il disparut au coin du couloir.
⁃ H1: Toujours à rôder celui-là, tu vois!
⁃ H2: Je ne peux pas le voir en peinture, il m’agace avec ses grands airs!
⁃ H1: Tu as raison pour une fois, je ne peux pas piffer ces énarques gonflés comme des outres, vaniteux et pires que les sauterelles, ils nous envahissent!
⁃ H2: C’était mieux avant non?
⁃ H1: Comme dans la pub. (rires)
⁃ H2: L’autre il me plaisait davantage, il était plutôt direct et simple!
⁃ H1: Un peu brutal, mais ce côté sportif c’est vrai ça plait aux gens!
⁃ H2: Le roi est trop maladroit, il est mal entouré et ne sait pas trouver les mots…
⁃ H1: "Mignonne allons voir si la rose"…
⁃ H2: Tu m’ennuies avec tes phrases incompréhensibles, moi j’aime le foot, le loto, la bière, je lis mon journal sportif, tu m’agaces avec tes devinettes!
⁃ H1: Je voulais dire qu’il est jaloux de l’autre, celui qui revient, qui va briguer les suffrages du peuple! Il appréhende les combats futurs!
⁃ H2: Moi tu sais, la politique c’est pas mon fort, mais si tu le dis!
Les deux huissiers reprirent la pose, regard vide, tourné vers l’intérieur, ils se figèrent sous l’oeil soupçonneux du conseiller particulier.
Pendant ce temps le roi ému et perplexe achevait sa lettre au Père Noël: "… de m’apporter pour la nouvelle année de nombreux cadeaux, plus de compréhension, de déférence, de réussite, d’obéissance, de respect dans mon royaume et mon jardin des roses… (il cacheta la lettre au sceau de la rose)… chasse ceux qui pourraient me porter préjudice, adversaires acharnés à ma perte à l’intérieur, comme à l’extérieur, je crains par-dessus tout les "revenants", mais cela je ne l’écrirai pas!
Le roi échappera-t-il aux fantômes du passé, aux terreurs qui peuplent ses nuits de sueurs froides, saura-t-il échapper à la marche inéluctable du temps, à l’inexorable et cruel sablier?
Le royaume survivra-t-il à la tempête qui s’annonce, sociale, économique et politique, à la colère des bonnêts écarlates qui risque de tout emporter, les conflits internes et externes trouveront-elles solution?
La vindicte populaire est toujours imprévisible et nul n’est devin en son royaume!
Le jardin des roses bien abimé par la réalité "têtue" disparaitra-t-il comme le jardin d’Eden sans laisser de traces autres que le souvenir d’un monde perdu à jamais?
L’Histoire peut-elle répondre à cette question, mais dans le domaine des contes tout est possible et la justice ne triomphe-t-elle pas toujours?