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Paris, décembre 2013
Guillermo Zermeño Padilla
La culture moderne de l'histoire.
Une approche théorique et historiographique
L'Harmattan// El Colegio de México
Grand spécialiste de l'historiographie, Guillermo Zermeño est professeur au Colegio de México. Ses recherches et son enseignement portent sur l'histoire intellectuelle et culturelle, ainsi que sur la théorie de l'histoire du XVIIIè au XXè siècle. Il a en particulier effectué un rapprochement entre les écoles allemande et mexicaine de l'Histoire, tout en établissant un pont singulier avec l'école française, celle en particulier de Michel de Certeau et de François Hartog.
Ce qui fait l'originalité de ce livre écrit par un savant mexicain, c'est qu'il dépasse sans hésitation le cas mexicain pour s'interroger à la fois sur la nécessité d'une construction de l'histoire moderne, et sur les vicissitudes du métier d'historien. Comme le précise François Hartog dans sa préface, le livre traite des transferts culturels et des modes d'appropriation, et il tourne en partie autour de la figure emblématique de Leopold von Ranke car c'est lui qui avait proposé un "nouveau langage sur le passé" en commençant par codifier ses "règles de production". Il est question avec lui de montrer ce qui s'est réellement passé, et de se fier autant que faire se peut aux documents originaux, aux faits, plus qu'aux interprétations subjectives.
Avec Ranke, on met en doute l'effet du passé sur le présent, et l'histoire devient surtout une volonté d'établir le plus objectivement possible les faits sans s'arrêter sur la manière qu'ils auraient pu influencer un aujourd'hui largement marqué par un je individuel au détriment du je collectif. Mais Guillermo Zermeño ne pouvait évidemment pas s'arrêter à Ranke, et il s'interroge abondamment sur le rapport entre l'histoire et la modernité, quittant les boulevards de l'histoire universalisante pour les chemins des Subaltern studies qui lui permettent de revenir plus sereinement au cas mexicain, non pas "la voie des histoires alternatives, mais celle des alternatives à l'histoire" poussant à se pencher sur les interstices autant que sur la globalité.
Comme le remarque F. Hartog, Guillermo Zermeño se sent bien obligé de revenir sur le caractère téléologique de l'explication historique. L'histoire pour conduire au futur, et supporter le progrès inspiré par le but à atteindre pour le groupe, ou pour l'humanité. Car la question est là : qui pose les questions, qui fixe le but ? Il n'est pas certain au fond qu'une histoire aspirant à la dimension scientifique puisse se défaire du poids du présent, d'une définition de la modernité qui serait marquée majoritairement par une représentation idéologisée du futur : "Les historiens modernes, outre leur tâche de produire de nouvelles connaissances sur le passé, doivent aussi apprendre à communiquer les valeurs d'une citoyenneté républicaine" (p. 220).
Fort du grand nombre d'informations et de réflexions philosophiques fondamentales qui lui sont proposées ici, le lecteur percevra parfaitement à la fin de la Culture moderne de l'histoire pourquoi l'historiographie mexicaine, influencée tout particulièrement par les historiens espagnols exilés sur le plateau central lors de l'époque franquiste, se voit nécessairement entraînée à réfléchir sur son rôle dans l'évolution (la formation ?) d'une société toujours en mouvement.
Première partie
Á la recherche du lieu de l'histoire dans la modernité
Chapitre premier : modernité, révolution et historiographie
Chapitre deux : sur les traces de Ranke
Chapitre trois : condition de subalternité, condition post-moderne et savoir historique
Seconde partie
Savoir historique et modernité au Mexique
Chapitre quatre : Ranke au Mexique, un siècle après
Chapitre cinq : José Bravo Ugarte, l'historiographie mexicaine et la loi, ou l'éthique moderne de l'histoire
Chapitre six : "critique" et "crise" de l'historiographie moderne au Mexique