Paris. Quinze promenades sociologiques, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot. Compte-rendu

Publié le 23 décembre 2013 par Antropologia

Paris, Petite bibliothèque Payot, 2009, (2001).

Les auteurs sont connus comme « les » sociologues des riches  puisque leurs travaux et enquêtes portent essentiellement sur les pratiques du petit monde le plus souvent parisien des grandes fortunes.

C’est dans un autre registre que se place le présent ouvrage, déjà par sa forme non académique : une sorte de guide touristique accessible et plaisant pour tout lecteur, et par son contenu : une organisation en itinéraires dans la capitale.

Sans renoncer à l’érudition : auteurs invoqués, informations sociologiques (milieu social des habitants…) et profondeur historique (évolutions des quartiers), qui place le livre dans une perspective cultivée, ce sont en initiés, praticiens piétons de la capitale, que Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot nous invitent à parcourir et découvrir la ville : donner une dimension ethnographique à l’enquête et de restituer les émotions de l’aventure et de la découverte (p.25).

S’ils ont conscience de la « banalité » de leur objet, Paris – ils ont recensé en 2008 plus de 180 000 ouvrages consacrés à la capitale – ils ambitionnent  de donner à comprendre la ville dans sa diversité et faire partager un peu la vie des habitants de chaque quartier  (p.11)  Eloignés du Paris des monuments incontournables (tour Eiffel…), leur guide ne s’organise pas comme une succession de points remarquables, aller de A à B mais plutôt comme une déambulation qui est une fin en soi. Mais ils ne proposent pas non plus une errance sans objet, les itinéraires sont construits autour d’une démarche intéressante :  C’est pour éviter la remise de soi empirique, pour empêcher la fascination pour un réel inépuisable, que nous proposons, pour chaque itinéraire, une lecture du spectacle urbain à partir d’une question. L’ancien faubourg Saint-Antoine est devenu un lieu à la mode : selon quels processus ? (p.24) Il s’agit donc, non d’une balade urbaine sensuelle, intuitive ou architecturale mais d’accéder aux savoirs et pratiques indigènes, d’initiés : Donner les clefs tout en orientant vers la bonne porte et en montrant où en est la serrure : la combinaison de la démarche empirique de terrain et de la conceptualisation d’une question permet de rendre perceptibles les structures sociales à l’œuvre en permanence dans la ville. (p.25)

Construit comme un circuit guidé et précis (de nombreuses indications permettent de s’orienter) chaque itinéraire est agrémenté de plans, photographies en noir et blanc et constitue un chapitre ponctué d’une bibliographie.   Projets de rénovation controversée, scènes du quotidien, associations localisées, ambiances, notes historiques (le passé industriel de tel ou tel bâtiment…) animent le cheminement dans la ville.

Tels des greeters dont l’objectif est de proposer un tourisme participatif et alternatif, les Pinçon partagent leur ville et ses, leurs lieux insolites auxquels ne peuvent accéder les touristes cantonnés de fait à la surface des lieux, aux balisages « officiels ». Ainsi, apprend-on comment découvrir, visiter un temple bouddhiste (p.175), profiter d’une promenade bucolique sur le périphérique (p.287)…

Même le lecteur provincial qui, du fait de la banalité même de l’objet « Paris » est familier du nom des lieux : Goutte d’or, Chinatown, porte d’Auteuil… sans l’être parfois réellement des lieux eux-mêmes, prendra plaisir à découvrir ce Paris vécu, de l’intérieur. Peut-être même, au gré d’une prochaine visite, empruntera-t-il un des quinze itinéraires ?

Colette Milhé