Petite

Publié le 24 décembre 2013 par Mentalo @lafillementalo

Quand j’étais petite, j’avais les cheveux très longs, et mon papa n’aimait pas du tout que je les coupe.

Quand j’étais petite, j’avais un chien qui courait plus vite que mon vélo lancé à fond.

Quand j’étais petite, mes meilleurs copains étaient des livres, avec lesquels j’ai passé mes plus belles heures et trompé ma solitude.

Quand j’étais petite, il y avait les gâteaux dans la cuisinière au gaz qui explose et le chemin le long de la rivière pour apprendre à rouler à vélo.

Quand j’étais petite, il y avait la forêt le dimanche et puis les châtaignes qu’on fait griller sur le feu.

Quand j’étais petite, il y avait le grand jardin clos pour jouer, et la rue dans laquelle nous n’avions pas le droit d’aller.

Quand j’étais petite, il y eut la clé de ma chambre perdue, en même temps que la confiance en Saint-Antoine de Padoue (cherche bien partout, dans les p’tits coins, dans les p’tits trous) puis au petit Jésus, du coup, quand il a fallu l’avouer à mes parents, juste une semaine avant ma communion.

Quand j’étais petite, pour les vacances, on partait en France, j’étais si fière.

Quand j’étais petite, mon frère aîné me racontait tellement d’histoires que je ne le croyais plus. Je ne l’ai pas cru du tout quand il m’a dit que cette balançoire abandonnée dans la montagne suisse enneigée était là pour les biches, qu’elles ne s’ennuient pas. Pas plus que quand il m’a prétendu que quand on tirait la chasse dans les toilettes à la turque sur l’autoroute, on prenait sa douche en même temps. C’est pour ça que je me retenais de faire pipi pendant plus de mille kilomètres.

Quand j’étais petite, l’imagination de mon frère cadet débordait tellement que personne ne pouvait suivre le rythme de ses élucubrations – cet enfant était fou.

Quand j’étais petite, je racontais pas mal d’histoires, ma vie rêvée, ma vie inventée, ma vie dans les livres, pour ne pas être en reste, pour ne pas m’ennuyer, pour ne pas sombrer.

Quand j’étais petite, il y avait Mademoiselle pour les chagrins et ma grand-mère pour le tricot.

Je ne sais plus quand je suis devenue grande, j’ai coupé mes cheveux, j’ai démémagé en France, je n’ai plus de chien – j’ai des enfants, je lis beaucoup moins – j’ai des enfants, je fais toujours beaucoup de gâteaux -j’ai des enfants. Je ne crois toujours pas plus au petit Jésus. Je ne crois plus aux histoires de mes frères depuis longtemps, je les raconte à mes enfants. Je ne raconte plus trop d’histoires, je les écris sur ces pages.

Pour Sabine.

Merci Louise.