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Daco est à l'hosto, chroniques de la vie quotidienne en province...

Publié le 25 décembre 2013 par Philippejandrok

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La semaine dernière lors d’une balade avec le chien, je rencontrais un octogénaire sympathique qui promenait sa petite chienne, un poil Border coolie, un poil… un poil je ne sais pas au juste, la couleur de sa toison soyeuse noire et blanche rappelait celle du berger, tout en étant un autre, une petite gueule sensible et touchante, surplombée par deux yeux globuleux lui prodiguant une expression craintive, mais douce.

Ces chiens domestiques qui partagent notre vie et qui n’appartiennent qu’à une espèce, celle des chiens, celle du meilleur ami de l’homme, des chiens, mi-figue, mi-raisin, « choucroute » si l’on peut dire, qui ont une âme vagabonde mais qui savent et qui ont dédié leur existence à la nôtre en échange d’un ou deux repas par jour et d’une affection indispensable. Il n’y a aucun contrat entre le chien et l’homme, juste un contrat moral qui lien ces deux espèces pour la vie, jusqu’à la mort. Cette puissance dans la relation est exceptionnelle dans le monde animal, cette imprégnation est unique et perceptible, nous avons un devoir envers ces animaux qui se sacrifient pour nous, mais souvent l’homme trahit sa propre parole, et cette trahison fait perdre la tête à l’animal, il devient fou, il meurt intérieurement et se désincarne, nous ne pouvons accepter de pratiquer cette torture sur nos meilleurs compagnons et pourtant, souvent, nous nous montrons indignes de leur amour indéfectible. Souvent, nos compagnons à quatre pattes ne portent aucun jugement sur nous, leur maître, leur chef de meute, parfois indélicats, injustes, il est tellement plus simple de se défouler sur un être qui accepte sans broncher, c’est le lot de nombreux animaux de compagnie, mais pas celui de nos chiens, que je respecte le plus possible en dressant une hiérarchie nécessaire et obligatoire, mais toujours dans le respect et la justesse, c’est, ce que j’ose croire ; serais-je dans l’erreur ou le mensonge inavoué, dans le pure fantasme, l’illusion du maître que se croit à la hauteur de l’éducation qu’il apporte à son animal de compagnie ?

Ne se ment-on pas pour justifier la grandeur de son âme ?

Certainement un peu, je dois l’avouer, c’est la hiérarchisation de la vengeance, de la petite vengeance quotidienne que l’on subit de la part des mauvaises intentions typiquement humaines, dans les couples, elle s’exprime par des reproches quotidien, dans les familles, un défouloir sur les enfants, au bureau sur son subalterne, à la maison sur son chien, son chat, mais ces êtres extraordinaires ont ce don du pardon et d’abnégation et nous les appelons « animaux », alors qu’ils ont parfois, dans certains domaines, beaucoup à nous apprendre sur l’humanité, même si, ils sont cabochards, et même mauvais comme la gale, mais toujours avec raison, si nous portons sur eux un regard attentif, et malgré cela, c’est sans la moindre hésitation que je préfère les bêtes à de nombreux affreux.

D’ailleurs, depuis que j’ai été pris pour cible par les deux affreux des jardins ouvriers, j’ai changé de parcours pour ne plus avoir à supporter leur regard en coin, leur sourire de faux jetons, leur expression de faux culs patenté, diplômés par la vie, ah, ça ils sont diplômés, les bougres, un doctorat es-connerie humaine décerné par le tout puissant des crétins, leur dieu secret.

Le facteur Thénardier, me rappelait ma tante, un femme très âgées aujourd’hui, oh elle avait de la culture et même de l’éducation, la brave femme, mais c’était une bigote frustrée qui courrait à l’église après chaque mauvaise action, une vraie grenouille de bénitier qui confondait garder un secret et le révéler à tous, elle a toujours fait du mal sans s’en rendre compte, mais, c’est à ça qu’on les reconnaît les cons qui nous entourent, à leur affreuse méchanceté, consciente ou pas.

En changeant de promenade quotidienne, j’ai bien observé mon chien et surtout j’ai noté une modification de comportement, une joie irradiait de sa personne à l’idée de se promener ailleurs, de pouvoir courir librement sur des centaines de mètres sans obstacles, quelle joie d’éprouver la liberté en pleine nature ; en le regardant profiter avec bonheur de ces grands espace, je ne pouvais refreiner cette pensée :

-   Jusqu’à quand ? Jusqu’à quand pourra-t-il courir librement, jusqu’à ce que le paysan mette une clôture pour imposer son pouvoir de propriétaire, de possesseur de la terre ?

Le moment arrivera bien assez tôt, aujourd’hui, demain, qui sait, mais pour le moment, je suis heureux de voir cet animal hurler sa liberté à la face du vent, courant jusqu’à en perdre haleine à travers champs, dans les feuilles mortes et la terre molle. Je sens son bonheur, il est tellement heureux, qu’il m’obéit au doigt et à l’œil, il faut avouer que je ne lui donne pas d’ordres inutiles, ni imbéciles comme souvent certains maîtres en mal de domination sur leur prochain, ce que nos amis les chiens souffrent parfois pour la frustration des humains.

À présent, je ne rencontre plus personne, plus de questions insidieuses, plus de crétinerie chronique, que du silence et une nature merveilleuse, sans pollution …apparente. La nature ne me questionne pas, je ne l’interroge pas, je l’observe, je l’écoute respirer, je pense au peintre Millet qui se disait paysan car il avait les sabots bien ancrés dans la tourbe, aujourd’hui, je l’ai senti cette tourbe et son aspiration subite, elle qui me retient au point de s’accrocher à mes chaussures, comme pour ne pas me les rendre, c’est comme un jeu entre la boue et moi, qui sera le plus fort, pour le moment c’est moi, mais un moment d’égarement et la voilà qui gagne à son tour, elle est plus forte que moi, plus immuable, simple et imperturbable, cette nature silencieuse qui vit dans la discrétion sans se vanter.

Je rencontrais mon ami Daco, avant, quand j’étais encore sociable, croyant naïvement en la compagnie des hommes, mais à présent que je les connais, les braves retraités, je te les foutrais dans un asile de grabataires pour qu’ils distillent leur venin entre eux, au lieux de pourrir la vie des autres, de ceux qui sont encore valides.

Daco, je l’ai toujours entendu appeler Daco, j’ignore si c’est son nom, mais c’est ainsi qu’on l’appelle, lui, il m’appelle, « le journaliste », même si je ne le suis pas, il trouve que j’ai le profil, la gueule de l’emploi mais pas dans « le fromage du pittoresque », dans l’essence même de la profession sensée représenter l’intégrité et la probité. Daco ne dit jamais de mal de personne, il parle et fréquente tous les « copains » qu’il peut, surtout depuis le décès de sa femme il y a un an. Son jardin ouvrier jouxte celui de l’affreux gendarme qui répand son venin au quotidien en répétant à tout un chacun :

-   On m’a dit que…

Comme il aime être à l’origine du mensonge, ça le fait jouir, la vieille carne de fonctionnaire, et comme ça, simplement en glissant une saloperie au détour d’une conversation banale. Il attend quotidiennement sa proie en faisant semblant de jardiner, puis, dès qu’elle se présente au niveau de son portail, la teigne se jette sur l’animal en question, et l’entreprend, voilà comment il répand son venin, bougre de salaud, il sait qu’il sera répété, amplifié, il en jouit déjà, l’ordure.

Daco, n’est pas de cet acabit, lui, il aime le verbe et tant qu’il peut avancer son point de vue dans un débat, il est heureux, il est heureux, parce qu’il oubli sa solitude, et qu’il na pas besoin de s’oublier dans le malheur des autres, il a eu son lot de souffrances, sa dose.

Sa chienne est une brave bête qu’il ne tient jamais en laisse, elle est discrète, ne fait pas de bruit, mais on sent sa présence bienfaisante, car un petit animal est une présence quasi « humaine » pour un homme seul. Cette petite douce le force à sortir, à faire de longues marches dans la nature, sur les sentiers boueux, il rêve en s’efforçant d’oublier les blessures de la vie et Dieu sait qu’elles sont nombreuses, mais il ne se plaint jamais, il râle, il peste contre les politiques, c’est son cheval de bataille, contre les fonctionnaires qu’il connaît bien et qu’il déteste cordialement pour le mal qu’il font et l’hypocrisie notoire qu’ils possèdent, ah, les fonctionnaires, c’est comme les poulets, Daco ne les aime pas, comme Brassens, il traverse dans les clous pour ne pas leur laisser l’opportunité de le sermonner et quand on lui demande de mettre son chien en laisse, il répond que ce n’est pas le sien, la pauvre bête et qu’il l’a recueilli jusqu’à ce que son légitime propriétaire le lui réclame, et quand bien même, il ne se séparerait jamais de sa chienne qui lui tient compagnie et à laquelle il parle, parfois, lorsque personne d’autre ne veut l’entendre.

Il a aussi des chats, plein de chats dans son jardin, chaque jour il va les nourrir, on les aperçoit parfois derrière une courgette géante ou un potiron, sous un feuillage ou dans un sillon de terre, sauvages, ils ne saluent que leur bienfaiteur et sa chienne ; il y en a un blanc magnifique, je me demande encore comment peut-il garder sa robe si blanche dans cette tourbe, un rouquin également, un noir et blanc moucheté, peut-être aussi une isabelle, c’est un peu l’Arche de Noé chez Daco, ça lui plait bien d’être entouré par ses animaux, c’est un peu son auditoire et avec eux, il peut parler des chinois et de la crise économique, ils s’en battent les moustaches.

C’est mon ami Émilio qui nous a présenté, Émilio aime bien Daco, mais il ne supporte plus les discours répétitifs sur les chinois, les chinois, les chinois… Cet été, ils ont fait un barbecue au jardin, entres copains, mais Émilio l’a prévenu :

-   Pas de chinois, hein ? Pas de chinois où tu restes chez toi.

-   T’inquiète pas lui a répondu Daco et il a tenu parole.

Émilio était épaté, Daco, il était content de sa soirée, il n’était pas seul, il était avec les copains et on imaginait sa tristesse de rentrer avec sa chienne dans une maison vide, dans un lit froid, sans celle qui l’avait accompagnée de si longues années. Sa tristesse, il la gardait pour lui, il ne la partageait pas, Daco est un homme digne, d’une dignité exemplaire, s’il se plaignait des chinois et des fonctionnaires, il ne se plaignait jamais des malheurs qu’il subissait.

Lorsque nous nous sommes rencontrés sur le chemin de terre, il n’a pas cesser de parler tout en marchant d’un pas rapide sur les sentiers détrempés, un peu comme si sa pensée était en lui trop longtemps contenue, j’étais impressionné par son débit et surtout, par le souffle, et le rythme soutenu, ce n’est pas lui qui suivait mon rythme, mais plutôt l’inverse, il aimait bien discuter avec moi, sans doute était-ce à cause de mon écoute, même si j’étais souvent en désaccord avec lui, mais il avait une logique sensée, sauf lorsqu’il me parlait de Marine Le Pen qui allait, selon lui, sauver la France, pouvait-elle être encore sauvée cette France post coloniale, post industrielle ?

Il était parfaitement conscient que Marine Le Pen était un point d’achoppement entre nous, je tentais à ma manière de lui expliquer ce qui ne collait pas afin de lui prouver par des faits historiques, que les extrêmes n’avaient jamais apporté de solution politique viable :

-   Les autres non plus…

Me répondait-il, comme il avait raison, « les autres non plus… »

Daco est un homme que j’apprécie, car il n’est pas comme les affreux, il sait que ce sont de mauvais hommes mais il leur trouve toujours des excuses, il dit :

-   Et bien, ce ne sont que des hommes

Et quand un camarade lui dit :

-   Daco, tu nous emmerdes avec tes chinois…

Il change de conversation et part sur un autre sujet, tiens, la crise, les banques, les assurances, l’émigration, sans se fâcher pour autant, il a cette sagesse de comprendre que se fâcher n’apporte rien, alors, il est toujours de bonne humeur, tout en cachant sa profonde tristesse.

Avant-hier soir, Émilio m’a appelé bouleversé :

-   Philippe, Daco…

-   Quoi Daco ? J’envisageais le pire.

-   Daco, il s’est effondré devant le bureau de tabac, il est tombé comme ça, d’un seul coup.

-   Alors, il est ?

-   Non, mais il est dans un état grave, y’avait du sang partout, pauvre vieux. Il a fait un AVC.

-   Mince, tu sais où ils l’ont transporté ?

-   Non pas encore.

-   Bon on ira le voir.

-   C’est sûr.

Ce soir, juste avant le réveillon, Émilio m’a appelé à nouveau :

-   Philippe, j’ai des nouvelles de Daco.

-   Alors ?

-   Bonne nouvelle, c’est pas un AVC, mais un malaise vagale.

-   Ouf !

-   Oui mais le pauvre, il s’est fracassé la tête en tombant s’est cassé deux côtes dont une qui risque de perforer un poumon, on sait pas encore. De toute façon il est en soins intensifs.

-   Et sa chienne ?

-   Oh, c’est sa fille qui va la prendre, au fait, c’est quoi la plèvre ? me demanda mon ami.

-   Ah, c’est une membrane qui enveloppe le poumon, une protection.

-   y paraît que sa côte est en contacte avec la plèvre.

-   Mince faudrait pas la percer et qu’elle se remplisse d’eau, ça peut être très grave.

-   Ouai, c’est pour ça qu’ils l’ont attaché.

-   Pauvre homme.

-   En fait, me dit Émilio, son pronostic vital est peut-être engagé, et puis j'espère que le médecin qui va l'opérer, c'est pas un chinois.

- S'il s'en sort, ce que je lui souhaite sincèrement, qu'est-ce qu'on va entendre...

- Ah oui, qu'est-ce qu'on va entendre...

Nous sommes restés sans rien dire au téléphone l’espace de quelques secondes, je percevais l’angoisse d’Émilio, lui aussi est cardiaque et il sait que cela pourrait lui arriver n’importe quand, c’est déjà arrivé, c’est sans doute pour cette raison qu’il prend cette mésaventure à cœur et aussi, parce que Daco, c’est un brave homme, qui ne mérite pas de souffrir de la sorte.

Sa chienne dont il disait souvent :

-   C’est une brave bête…

J’étais déjà disposé à la récupérer pour ne pas qu’elle soit envoyée dans un chenil en attendant la convalescence de son maître. Dans son malheur, cette demoiselle était en terrain connu, mais Daco n’était pas près de sortir. De plus, je connais bien les statistiques des retraités ayant perdu un conjoint, ils ne tardent pas à le rejoindre.

Il y a trois mois, un autre promeneur de chien a fait un AVC, mais lui, c’était un sale type, une genre de saloperie que personne ne regrette, on l’appelait le « caporal chef », un raciste qui trainait la pate, et qui aurait bien fichu dehors de la France tous les peignes culs, les arabes, les juifs, les Espagnols, les Ritals, enfin, tout ceux qui n’étaient pas digne d’être français à ses yeux. J’avais beau lui dire que dans son parti favori, il y avait des juifs, des arabes, des étrangers :

-   Non, c’est pas vrai, Marine elle permettrait jamais ça…

Et pourtant, il suffisait de regarder les sympathisants du FN pour le constater…

Depuis son AVC, le « caporal chef », personne ne l’a revu et il ne manque à personne. Émilio ne l’appréciait pas surtout depuis que le « Capo» l’avait insulté en le traitant « d’enculé. »

-   Non mais tu te rends compte, il me traite de sale enculé, alors qu’il est homo sexuel, c’est un comble non ? Ce type là, même sa sœur m’a dit que c’était un pourri, tout ce qu’il veut, c’est te pousser à bout pour que tu lui paies une pension. Surtout tu t’approches pas de lui, méfie t’en comme de la peste, c’est de la racaille.

-   De toute façon, je n’ai jamais apprécié son discours xénophobe et haineux, et je l’évite tant que je peux. Ça fait tout de même une sacrée bande de faux jetons dans le quartier des jardins, tu ne trouves pas ?

-   Oui, malheureusement, allez Athos, vient, on va fermer chez Bichon…

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