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Episode de la guerre des Reflets - La Flèche - I

Publié le 31 décembre 2013 par Alainlasverne @AlainLasverne

 

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a flèche érodée ne mesurait pas moins d'une cinquantaine de mètres. J'ignorais si elle était bien seule en ces lieux et frissonnais à l'idée d'une cohorte de consœurs, invisibles et affamées de mise en perce.

Elle flottait fièrement à trois mètres du sol, mais nous savions bien, le monde entier savait maintenant combien elles dépérissaient. En finir. Il fallait en finir une bonne fois. Je ne savais si je verrais ce jour de mon vivant. Les Organes résistaient, plantés de toutes leurs griffes dans les zones pestilentielles du monde.

Nous nous dispersâmes sur les bords du défilé. Je voyais mes frères Langueurs essaimer en face de moi, dans la chaleur immobile et cassante du soleil de onze heures. Le fond du défilé était dans l'ombre. L'arrogante pointe en passerait par là. Les serviteurs comme elle adoraient les chemins définis, les hypersentiers balisés. Encore une de la classe « Ajoutez » que nos accrocherions à notre tableau. Une encoche supplémentaire sur le tableau "réssurection" que chacun portait dans sa tête, juste à côté du mantra de protection contre les motréfiés.

Déjà, elle vibrait à cent mètres tout juste de l'entrée. Je m'étais laissé glissé le long de la pente calcaire jusqu'à mi-hauteur et surplombais la passe d'une trentaine de mètres.

Je sentis le pouvoir de sa mélodémente caractéristique. J'ajustais mes bouchons d'oreille et d'un coup d’œil vérifiais que ma troupe de Langueurs faisaient de même. Ils se fondaient tous dans la lumière, sauf pour moi naturellement. L'encre fine de leurs contours, aussi nette et impavide qu'au premier jour, m'apaisa un peu. Ils étaient fiers, ils étaient purs, ils étaient courageux et clairs comme le cristal. Avec eux, le monde Langrèl avait assurément un avenir. Le soleil les cachait car nous étions tous frères du soleil jaune et du soleil noir et du rouge et du bleu intacts, loin des encres tuméfiés, délavées et mutantes qu'esclavagisaient les Organes.

Les flèches n'étaient à peine plus que des robots mais jamais elle ne lâchaient un pouce de terrain. Chacune tenait une figure sous sa coupe, prisonnière sous la peau de la bête mécanique.

Je la devinais maintenant, ondulant sur le flanc sombre de sa maîtresse. « Envoie », un motréfié des plus communs. Asservies, elles essaimaient malheureusement et leur somme dépassaient leurs qualités de nuisance individuelle. Il en était ainsi de toute la gamme des motréfiés. La force du nombre et de la répétition avait érodé les champs sémantifères de l'hémisphère nord à une vitesse qui avait pris de court les Langréls dans nombre de pays. L'invasion, inouïe, impensable. Sous nos yeux, dans nos familles, aux plus intimes de nos pensées, se nourrissait le virus motréficateur. Sous nos yeux, les Langrél aux vocables les plus nobles, aux articulations les plus solides viraient en leur caricature, au service de Mercial. Mercial, l'hydre aux innombrables faces séductrices qui, peu à peu, en faisait des robots. Ainsi capté, asservi, le Langrèl pouvait à tout moment quitter la communauté et s'abandonner totalement aux Organes du Mercial, dont nous avions jusqu'alors tenu à distance les territoires et les êtres.

La flèche glissait comme un songe de mort dans l'air en fusion. Nul arbre pour la faire dévier, la nature avait cédé sous l'affrontement qui bouleversait le monde, comme elle avait plié déjà, aux temps primitifs, quand les Humains, ces organismes impensés aux désirs obscurs, courraient sur la Terre,. Il avait bien fallu qu'ils vivent et si nous avions besoin d'un Créateur, ils pouvaient jouer ce rôle. J'en doutais, pour ma part. Les Langrèl vivaient déjà dans l'âme du monde dès son réveil, alors que tout n'était qu'encore que chaos. Nous étions la semence de l'univers. L'entrelacs de nos êtres individuels et collectifs avait dessiné la Création.

Elle avançait plus lentement, flairant peut-être notre présence. Je ne sous-estimais nullement sa force et le chant maléfique du Langrèl contrefait qu'elle véhiculait. Le soleil arrivait au zénith, une mer de lumière noyait l'horizon et je voyais mes frères se préparer à lancer le sundar sonore selon une éprouvée. Ils glissaient sur les rocs, leurs jambages fiers et puissants se trouvant, se mêlant par petits groupes. D'un côté et de l'autre du défilé fuserait les bombes sonores. Ceci pour le motréfié.

La flèche vibrait. Elle faisait bien vingt centimètres de diamètre. Ma machinatrice captait les scans qu'elle propulsait devant elle régulièrement. Bientôt mes Langeurs s'immobilisèrent sous la fournaise réjouie. C'était un beau jour pour purifier, reprendre du sens.


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