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Max | J'ai gagné au Loto

Publié le 02 janvier 2014 par Aragon

euromillions-resultat.jpgPendant deux heures j'ai gagné les cent douze millions d'euros, la méga cagnotte de demain à EuroMillions. C'était pendant ma marche d'aujourd'hui, tout à l'heure en début d'aprèm, marche quasi quotidienne autour d'Amou, dix bornes pour garder un peu la forme. J'avais donc en poche, enfin pas en poche, dans un coffre en attendant que je donne des consignes, un chèque de cent douze millions d'euros de la Française des Jeux.

Au début ça fait drôle, on a l'impression de manquer d'air, on n'y croit pas, on a l'impression de respirer un air neuf, un air nouveau, un air qui serait hyper pur, un air "blanc sec" c'est comme ça que je le visualisais, un air qui te met plein d'air dans les poumons, pas comme avant, avant on ne respire pas, on vit, certains survivent, donc on respire tout d'abord un truc qui s'appelle bien sûr de l'air mais qui est un truc bizarre, t'as l'impression que ton corps est nouveau, qu'il peut prendre toutes les formes (comme après une prise de champignons chez Carlos Castaneda), t'as aussi l'impression que tu peux tout te permettre...

Tout que tu ne ferais évidemment pas en temps ordinaire pendant une promenade autour d'Amou : t'asseoir sur le haut d'un talus et chanter même si des gens passent, te coucher dans un  fossé même un peu mouillé en rajoutant un lit de feuilles sèches, t'en couvrir, laisser dépasser tes pieds sur le rebord et regarder le ciel avec une brindille dans la bouche même si des gens passent, esquisser des pas de deux, des entrechats, des sautés presque carpés à la Fred Astaire même si des gens passent, t'es tout bizarrement neuf... Ensuite j'ai calculé, cent douze millions, je vais obligatoirement en donner, mais avant ça que dois-je faire ?

Je marche, je marche, en cogitant sec, mon esprit est clair, ne nous affolons pas, les sbires de la Française des Jeux, psychologues, assistants, machins choses je n'en ai pas voulu.

J'ai pris mon chèque, je l'ai déposé à la Caisse d'Épargne d'Orthez en louant un coffre mais sans rien dire, c'est sûr que mon gestionnaire de compte calamiteux a été surpris, pourquoi louer un coffre ? Pour mettre un papier précieux de famille lui ai-je dit évasivement. J'ai ma clé en sautoir autour du cou accrochée à une ficelle j'ai trouvé que ça dans mon bric-à-brac de bricoleur calamiteux (comme mon compte en banque).

Je marche autour d'Amou en respirant donc cet air neuf. Avant de faire quoi que ce soit je vais me barrer une semaine sans rien dire et m'enfermer dans une suite luxueuse de l'Hôtel du Palais à Biarritz. On va regarder bizarrement mon jean et mes Quechua, m'en fous. Je vais me faire chier une semaine dans cette suite avec rien d'autre à faire que de cogiter cogiter cogiter cogiter. Je vais quand même pas me commander depuis ma piaule d'hôtel une Continental et rentrer comme ça à Amou, Je rêve pourtant d'une Bentley depuis longtemps. Mécanique absolue, la seule chose qui m'intéresse pas la frime. Pas de Bentley pour le moment. Et après, quid de cet Everest de flouze ? J'ai eu une semaine pour réfléchir. un mot, un groupe de mots est venu à mon esprit : me taire, tout taire. faire comme si de rien n'était.

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Ma vraie soeur m'a acheté une BD à Noël, une BD géniale que je vous conseille : "Riche" de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot dessins de Marion Montaigne paru chez Dargaud. Édifiante, géniale et jouissive cette BD. Vrai travail hilarant de deux vrais sociologues avec une pincée de poudre de perlimpinpin de Bourdieu. Je l'ai lu, leçon donnée en bulles ravageuses : N'est pas riche qui veut ! Même avec un Everest de biftons. Être riche ça s'acquiert de générations en générations, c'est une mentalité, un sacerdoce, c'est dans le sang, dans les gènes, ça s'improvise pas, le peigne-cul du coin peut pas être riche comme ça d'un coup, même s'il a cent douze millions d'euros dans son coffre il restera quand même jusqu'à la fin de ses jours un pécore...

Je cogite sec, je fais mentalement une liste exhaustive de noms : famille, parents, alliés, amis, collègues du théâtre, amis blogueurs, fiancées, assocs, j'oublie personne, je décide d'une rente mensuelle de 2000 € pendant trois cent soixante cinq mois pour chacun...

Ça me satisfait pas, je suis comme un con avec mon fric, filer au Québec directo en louant un jet privé, pis en Uruguay, pis quoi, Bora-Bora, sur la Lune, et tous ces gens avec leur rente de 2000€ ?

Putain, mon tour de marche de dix bornes autour d'Amou est presque fini, mon air est encore presque pur dans mes poumons, j'ai le souffle et la gorge secs, pas satisfait vraiment d'être si riche et cependant faut que je gère, j'ai tout ce fric dans mon coffre à Orthez mais je suis pas du tout mais alors pas du tout satisfait. Je file à Orthez, la Caisse d'Épargne n'est pas encore fermée, reste quelques minutes, je fonce à la salle des coffres, je prends l'enveloppe kraft contenant mon chèque, je déchire le tout en tout petits petits petits morceaux que je laisse dans le coffre. Je remonte aux guichets, merde, c'est vrai que j'ai pas de fric, pas de liquide, pour payer le parking, je vais au districarte, je prends 2 billets de 20€.

Je rentre chez moi fatigué de cette après-midi de ouf, crevé, je me fais un thé vert, mon chat me demande : "Kes t'as foutu t'es zarbi ?", je lui dis "T'inquiètes, c'est OK", je m'affale dans mon canapé entre gravats et rangements...

Merde ! Que je me dis... En allant à Orthez j'ai pas fait mon Loto pour demain, demain y'a cent douze millions d'euros à gagner...


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