Lors du Web Connect 2013 nous avons eu le plaisir d’interviewer François Laurent, consultant, co-président de l’Adetem, blogueur sur Marketing is Dead… et auteur de la formation vidéo MarketingTransgressif.fr.
1 – En quoi la connaissance du consommateur est essentielle à maîtriser ?
La connaissance du consommateur est fondamentale pour proposer des produits qui seront attendus par les consommateurs, mais aussi pour se différencier de ses concurrents.
Je connais bien ce problème, car à l’origine c’est mon métier de faire des études de marché, et j’ai même eu une formation de sémiologue.
Il est essentiel de comprendre ce qui se passe « dans la tête des consommateurs », que cela soit via des études quantitatives ou qualitatives.
En effet il y a trop de gens qui pensent avoir « l’idée du siècle » et avoir le produit que tout le monde attend…
Or il arrive que le produit n’intéresse pas le client, soit par ce que le besoin n’est pas suffisamment fort… soit que le client n’est pas près à payer.
Parfois ce n’est pas le produit, mais le message marketing qui ne sera pas bon, ou alors les autres éléments du mix marketing (prix, produit, distribution ou promotion).
Le travail de réflexion doit se faire à la source, avec le choix du bon besoin à satisfaire.
Et demander à ses amis, à son conjoint… ce qu’ils en pensent est forcément biaisé, car d’une part ils ne sont sans doute pas la cible de votre produit, mais en plus ils n’oseront pas vous dire toute la vérité pour ne pas vous démoraliser…
Prenons l’exemple, d’un produit maintenant incontournable dans la téléphonie, les SMS.
A l’époque aucun operateur n’y avaientt cru parce que tout le monde pensait il y a plus d’une dizaine d’années que l’avenir était la visiophonie…
Au contraire de cette idée reçue, personne ne pensait que les SMS aller exploser…
C’était un truc très (trop ?) basique… Et au départ ce ne sont que les ados qui les ont utilisés, et maintenant nous sommes à environ 8 SMS envoyé / jour par utilisateur !
C’est un parfait exemple d’une intuition qui n’est pas fondée…
Des années plus tard on est encore trop souvent dans l’anticipation des besoins, il suffit de voir le flop de Facetime d’Apple, de SIRI…
Si on revient sur les téléphones mobiles, les premières études montraient même qu’aucun consommateur n’avait besoin d’un téléphone…
Leurs réactions étaient « Avoir un téléphone pour que je puisse téléphoner dans la rue, c’est stupide… je ne l’utiliserai pas et même si on me le donnait ! ».
Il faut donc faire des études de marché, mais pas n’importe comment… et c’est peut être le plus important de mener le bon type d’étude pour comprendre le consommateur sinon si on regarde au mauvais endroit, ou de la mauvaise manière, et donc on risque de se tromper de cible et de besoin…
2 – Quelles sont les erreurs les plus courantes des études de marché ?
Dans ma formation je donne justement quelques astuces pour éviter des biais trop fréquents comme par exemple la non utilisation des différents types de mémoires.
Ainsi si on se contente de demander à une ménagère « pourquoi vous avez choisi tel programme télé hier soir ? », et bien elle va te dire qu’elle a pris le programme TV, qu’elle a regardé la grille des programmes, et qu’elle a choisi le programme qui lui plaisait…
Or, si on mène correctement son étude consommateur, on ne va pas faire cela, et on ne va pas faire appel à sa mémoire « rationnelle » mais on va plutôt faire appel à sa mémoire émotionnelle et au vécu…
En effet il y a différents types de mémoire, et notamment il y une différence entre la mémoire sémantique et la mémoire épisodique,…
Pour définir la mémoire sémantique c’est tout bête, je vais poser une simple question : « 2+2 font combien ? ». Normalement tu réponds 4…
Or pourquoi tu le sais ? Car tu l’as appris à l’école…
Si je demande maintenant « Qu’est ce que tu as mangé ce matin ? », tu vas me dire « Des petits gâteaux car tu as préparé hier soir ton petit déjeuner… »
Là tu le sais car tu l’as vécu…
Donc d’un côté tu le sais parce que tu l’as appris et de l’autre tu le sais parce que tu l’as vécu.
Le premier est la mémoire sémantique et l’autre de la mémoire épisodique.
Or lorsque l’on fait un IRM, on se rend compte que ce n’est pas la même partie du cerveau qui s’active.
Et maintenant quand on connaît cela, et qu’on redemande à la ménagère « Comment faites vous pour préparer votre soirée TV ? », on va le faire différemment…
Si on pose la question de but en blanc, elle va faire appel à sa mémoire sémantique.
En revanche si je lui demande « Hier tu es rentré chez toi, qui a mis la télévision et qu’est ce qui s’est passé ? », alors elle va me dire « Je suis rentrée à la maison, et ma femme était déjà là. Elle avait déjà mis la TV et elle regardait les Feux de l’Amour. Ensuite comme tous les jours à 20 heures on a mis le journal sur la 2 pour regarder les actualités. Finalement on est resté France 2, mais on s’est aperçu qu’il y avait une série américaine mais c’était vraiment nul… Donc on a regardé le programme télé, on s’est aperçu qu’il y avait un super film super sur TF1 mais qu’on avait raté le début, mais on a quand même mis sur la une pour voir le film… ».
La connaissance du consommateur n’est pas la même : dans la 1er manière de poser la question on pourrait déduire que c’est le programme TV qui fait décider du choix de la chaine, dans la seconde on s’aperçoit que ce sont les habitudes du journal TV qui orientent le choix du programme à regarder…
Si on ne comprend pas le comment et le pourquoi des agissements du consommateur, on risque de faire des impairs.
Là par exemple, un directeur de chaine devrait prendre comme décision stratégique de fidéliser ses spectateurs avec un journal TV de très grande qualité, et pourquoi pas un teasing et une mise en valeur du film qui va venir (ou alors proposer des alternatives sur ses autres chaines TNT).
Alors la plupart des annonceurs peuvent se dire de toute façon on soustraite à une société d’étude, mais même une société d’étude ne saura pas forcément quelle méthodologie appliquer car elle ne connaît pas les clients…
La bonne démarche est certes de consulter une bonne société d’étude, mais ensuite d’avoir suffisamment de connaissance du client pour choisir la bonne méthodologie en fonction de la réalité du consommateur.
De même il y a bien d’autres façons de connaitre le consommateur qu’en allant l’interroger en face à face… tout simplement car bien souvent le consommateur lui-même n’est pas capable de répondre à la problématique en répondant à des questions.
Il est extrêmement instructif de regarder comment fonctionnent les clients « en vrai ».
Par exemple de se mettre dans un magasin et de regarder comment les gens prennent le produit en main, ce qu’ils regardent, ce qu’ils recherchent sur le packaging (et si c’est à la bonne place)… et éventuellement compléter en leur posant la question « Pourquoi vous n’avez pas acheté ».
Il est impératif au départ de ne rien demander mais de simplement regarder afin de ne pas perturber le client.
On peut également chercher des informations sur les medias sociaux et quand je dis media sociaux, c’est au sens large !
Par exemple il y a de nombreuses informations qui sont perdues aux fins fonds des forums.
Il faut aussi chercher sur ces plateformes car il n’y a pas que Facebook et Twitter…
Sur les forums ont a souvent des discussions plus techniques avec des « experts » qui interviennent, alors que Facebook est plus unidirectionnel.
C’est un peu la raison pour laquelle j’ai appelé cette formation à la connaissance du consommateur « Le Marketing Transgressif ».
Toute simplement parce qu’il faut absolument enlever ses œillères, et parfois ce sont les idées les plus simples qui sont les meilleures…
Si vous voulez en savoir plus, consultez la formation MarketingTransgressif.fr (77 €TTC) ou mon blog MarketingIsDead.