Je n’oublierai jamais le Père Lachaise

Publié le 06 janvier 2014 par Biancat @biancatsroom

Aujourd’hui, un soleil doux et timide donne à ce lundi cette ambiance tendre et nostalgique que j’aime tant dans les belles journées d’hiver. Il me rappelle un épisode un peu fou de ma jeunesse, et le texte que j’ai écrit l’an passé pour l’immortaliser.

‘Je t’ai croisé sur les bancs de la fac. Tu étais beau, tellement brillant, faussement rebelle. Tu m’obsédais par tes absences et tes rares présences suspendaient miraculeusement le temps. Inaccessible… j’imaginais ta planète trop loin de la mienne, mes yeux invisibles aux tiens. Mais je t’aimais.

Un jour, j’ai entendu parler d’une légende du Père Lachaise. La fiancée de Robespierre, Eléonore, la patronne des amoureuses sans retour. Je me suis rendue au cimetière un dimanche de janvier. A travers les branches des arbres décharnés, un doux soleil d’hiver caressait les tombes, et moi un espoir un peu fou. J’ai longtemps arpenté les allées parmi les badauds, à la recherche de l’inconnue. Quand je l’ai enfin trouvée, elle était là, simple, modeste parmi tant de noms illustres pour lesquels je n’étais pas venue ce jour-là.

Un bouquet tricolore, une prière, ton nom déposé parmi les fleurs. Comme d’autres avant moi, j’y ai laissé une lueur d’espoir, des bribes de cœur, et je suis repartie.

Je me suis trouvée stupide, mais je riais tendrement de moi-même aussi, de ma douce folie. J’aimais, je voulais être aimée, alors j’ai demandé l’assistance d’un messager magique, d’une bouche tierce, pour te murmurer des sentiments que la mienne n’osait pas.

Pendant plus d’une année j’ai langui, soupiré, puis j’ai fini par oublier, par t’oublier, et un autre est entré dans ma vie. Mais avant de tourner ta page, j’ai voulu savoir, ne pas regretter. Alors un jour, brutalement,  je t’ai tout avoué ‘Et dire qu’il y a un an j’étais folle de toi’. Tu as été surpris, tu as rougi, moi aussi, c’était dit. Passé la stupeur, le lendemain tu m’as demandé ‘C’était vrai ?’ Je t’ai dit oui. Tu m’as demandé pourquoi je n’avais rien dit, tu m’as à ton tour avoué que tu me voyais, toi aussi. Et là, un an d’un passé qui ne s’était jamais déroulé s’est rué en un instant dans ma tête, tel un cheval trop longtemps bridé qui goûte enfin la liberté. Des images de toi et moi, ta main dans la mienne, des baisers passionnés… Pourtant à ta question ‘Et maintenant ?’ j’ai répondu ‘C’est trop tard’.

Est-ce que je l’ai regretté ? Encore aujourd’hui je ne saurais le dire. J’ai souvent imaginé le film de notre histoire, qui était surtout la mienne. Je me suis souvent demandé ce que tu aurais fait si j’avais prononcé d’autres mots : m’aurais-tu embrassée ? Etreinte ? Aimée enfin ? J’ai follement chéri cette idée, ce frôlement de nos cœurs à cet instant, la nouveauté de nos regards, ce rêve tant caressé qui soudain prend corps.

Je croyais aux prières et à la magie mais pas assez encore, elles m’avaient exaucée, mais je l’ignorais. Par manque de foi peut-être…

Finalement, j’aime à penser que mon scénario imaginaire a sûrement été plus beau qu’un passé hypothétique. L’espoir est resté intact, la beauté des débuts ne s’est jamais flétrie. Le ‘si’ qui ne s’est jamais transformé a cristallisé pour toujours un futur qui est resté sans tache, parfait.

Alors non, je n’oublierai jamais le Père Lachaise. Ce lieu reste pour moi le symbole de cet élan amoureux qui ne s’est jamais abîmé, des papillons suspendus en plein vol, d’un sentiment vivant au milieu des tombes – quel paradoxe -. Souvenir de ce soleil d’hiver alors qu’en ce temps-là c’était le printemps dans mon cœur.

Celle qui avait 20 ans et qui t’aimait n’existe plus, mais celle que je suis devenue croit encore à la magie, celle, simple, de la vie.’