En 1984, George Lucas et Steven Spielberg sont les rois de l’Olympe. En effet, leur association sur le premier volet de la saga Indiana Jones s’est révélée très lucrative. Les conditions sont donc idéales pour mettre en chantier une nouvelle aventure de notre archéologue préféré. Pourtant, et même si cette suite comblera les attentes des spectateurs du monde entier, ce film sera systématiquement dénigré par la suite.
George Lucas sort épuisé du Retour du Jedi. Suite au succès surprise de Star Wars, et pour mettre en chantier les deux volets suivants, il a dû monter de toute pièce une société de production ainsi qu’une structure capable de réaliser les multiples effets spéciaux nécessaires aux projets, et cela en prenant en compte l’énorme pression des fans du monde entier. Si Lucas en sort victorieux, le constat est amer. Lui qui aspirait à n’être qu’un modeste artisan se retrouve malgré lui obligé de gérer un empire et de revoir ses priorités. Cela lui coûtera son mariage. En pleine instance de divorce et bien échaudé par les critiques lui reprochant le côté « Bisounours » des Ewoks, Lucas va, avec le Temple Maudit, écrire une histoire d’une grande brutalité. Il charge Willard Huyck et Gloria Katz (futurs scénaristes d’Howard The Duck) de pondre un scénario qui nous plonge littéralement en enfer. Steven Spielberg quant à lui, est motivé comme jamais pour ce nouvel Indy. De plus, il souhaite au plus vite faire oublier l’épisode désastreux de « La Quatrième dimension : le Film ». (Qui coûta la vie à deux enfants et à l’acteur Vic Morrow.)
Chargé ras la gueule, Indiana Jones et le temple Maudit est la « sequel » dans toute sa splendeur. Spielberg, qui a toujours désiré réaliser un James Bond, se paye une séquence d’ouverture dantesque. En 20 minutes et rythmé par une chanson de Col Porter (Anything Goes « Tout peut arriver »), il mélange à la fois la comédie musicale et les films de Hong Kong. Mais la suite est encore plus dingue. Car Le temple Maudit se révèle être un épisode diaboliquement jouissif et d’un sadisme hors norme. On y mange de la cervelle de singe et on flagelle des enfants réduits en esclavage avant de les sacrifier à la déesse Kali en leur arrachant le cœur. Le personnage du professeur Jones subi lui aussi un traitement assez rude. Il est au départ présenté comme un personnage purement vénal motivé par la fortune et la gloire, il rejoint même momentanément les forces du mal. La violence du film provoquera une belle polémique aux Etats Unis et le label « interdit aux moins de 13 ans non accompagnés » sera inventé pour l’occasion.
Spielberg, toujours prudent avec son image, renie le film. Ce qui est étrange car il est manifestement évident qu’il a pris un pied fou à le mettre en scène.* Indiana Jones vole de péripéties en péripéties à un rythme complètement dingue. Courses de wagonnets au dessus de la lave en fusion, poupée vaudou, pont suspendu qui s’écroule, tout est fou dans ce film. Indiana Jones et le Temple Maudit, c’est un peu le Tombeau hindoue de Fritz Lang mais sous cocaïne ! D’ailleurs, des plans seront retournés pour « ralentir » un premier montage jugé trop frénétique. Les deux opus suivants (La dernière croisade et le Crâne de Crystal) paraitront bien mou en comparaison. Il faudra attendre le très sous- estimé Tintin pour retrouver un tel « groove » dans la mise en scène. De plus, ce film n’est pas incohérent dans la filmographie de Spielberg. Indy et ses deux compagnons d’infortunes, (Willie Scott et Demi Lune) finissent par former une sorte de famille recomposée ce qui est une des thématiques importantes de son œuvre. (De plus Kate Capshaw deviendra sa femme et la mère de leurs sept enfants.)
Indiana Jones et le Temple Maudit est un film de sales gosses. Un grand huit rempli de moments cultes, un grand film d’aventure complètement décomplexé. Et puis voir Harrison Ford brandissant son épée et déclamer les yeux fou « Mola Ram ! Prépare à toi à comparaitre devant Kali…en enfer !!! » avant d’envoyer ses ennemis dans le vide se faire bouffer par des crocodiles affamés, avouez que c’est quand même quelques chose.
*Ambiance de tournage débridé, Barbra Streisand, habillée en cuir flagellant Harrison Ford. ( si, si !) http://forgottensilver.wordpress.com/2008/05/14/le-betisier-inedit-du-temple-maudit/