Tu crois que j'ai que ça à faire p'têt.
Un mois que je ne suis pas venu sur le blog, mais comme toujours c'est parce que j'ai été bien occupé. Déjà y avait les fêtes. D'une. La table du 24 à préparer, sortir les assiettes, mettre les serviettes, mettre le dessous de plat pour mettre les plats dessus pour pas que la table fonde, bon des huîtres froides ça fait pas fondre la table tu vas me dire mais avec Fukushima on se prépare, nous on est prévoyants dans la famille, on est une famille de prévoyants du côté de mon père, et de bretons du côté de ma mère. Bouffer avec un compteur Geiger et un masque en plomb, on s'y prépare depuis des années. Et on fait attention quand on achète des huîtres, on les ramasse pas dans les poubelles à super U parce qu'il y a des cadenas sur les poubelles à Super U, on n'achète que des huîtres sur Le bon coin. On fait très attention, on voudrait pas être empoisonnés à vie un matin de réveillon. Oui parce qu'on fait le réveillon le matin, à 6 heures, parce que l'après-midi y a des Disney et le soir y a Arthur et on n'a pas de magnétoscope à cassettes. Je me souviens une fois quand j'avais encore un magnétoscope à cassettes dans les années nonante, j'ai mis une cassette dans la fente du magnétoscope prévue à cet effet, c'était une cassette de 180 minutes et la bande était marron je me souviens car je me suis dit "tiens, la bande est marron", et sûrement que j'ai dû enregistrer quelque chose car je ne mettais jamais de cassette si je n'avais pas l'intention de fixer un programme sur la bande magnétique, ça je me souviens que c'était un truc que je faisais souvent. Et après j'ai eu un walkman. Enfin on disait un baladeur laser à l'époque, pour frimer. Par exemple j'allais chez le boucher chercher du saucisson, et j'exhibais mon baladeur laser pour que les bourgeoises du quartier jasent entre elles, et je prenais mon saucisson et je partais fièrement. Et des fois je l'ai fait avec du salami aussi. Et après mes copains me disaient "tu viens pow wow, on va délirer, on va braquer une vieille" et je leur montrais mon baladeur laser et ils me disaient "whaaaa tu l'as eu où" et je leur répondais "au distributeur de baladeurs laser (Mohamed, un pote de la cité d'à côté) moyennant moult gros pécule sonnant", car c'était cher à l'époque. Et comme chez Momo c'était comme à super U, on achetait aussi une barrette de shit et après on allait fumer de la drogue et on rigolait car c'était marrant de rigoler.
Question santé ça va, j'ai juste eu droit à ma fidèle gastro de tous les ans et sinon rien de particulier à signaler. J'aurais pu être plus malade mais j'étais pas en forme, on verra l'année prochaine. Enfin en 2015 parce que cette année je vais faire relâche. Déjà mon petit-fils m'use pas mal, il est adorable mais il commence à réclamer. Là déjà je lui ai lu un conte à Noël avec une licorne, c'était l'histoire d'une licorne qui se promenait et qui faisait des trucs de licorne comme se promener dans les bois enchantés, bon je t'explique, un bois enchanté c'est un joli bois, avec des champignons multicolores qu'à mon avis il vaut mieux ne pas toucher, même de loin, même avec une combinaison spéciale champignons multicolores surdimensionnés, et surtout si t'y connais que dalle en champignons de bois enchantés, et même avec l'avis d'un pharmacien chevronné; sinon y a des lutins qui se lutinent, enfin qui font des trucs de lutins entre eux on sait pas trop c'est pas notre culture à vrai dire, un joli bois avec des belles fleurs mais pas l'ombre d'une capote, ni d'une seringue, ni d'un travelo planqué dans un fourré, ça c'est déjà bien pour les gosses moi je trouve. Bon ça lui a bien plu et après l'histoire est finie, c'est ça qu'est chiant quand t'es môme, tu voudrais que la belle histoire dure toute la vie jusqu'au ciel (avec les bras en l'air), ça c'est un truc de môme, quand il est content il lève les bras en l'air jusqu'au ciel pour marquer son contentement, là aussi on se rend compte que c'est une autre culture, moi mon contentement est souvent marqué par une érection mais bon, chacun ses goûts. Donc le livre était fini et j'ai refermé le livre et il voulait encore une histoire de licorne, je le comprends, la licorne c'est séduisant sur le papier mais concrètement c'est abstrait comme concept, le cheval avec une corne au milieu du crâne. C'est con un môme, jusqu'au ciel. Et si on rouvrait le livre pour lui lire la même histoire il n'était pas content, il voulait une autre histoire de licorne. Rhâââ le petit salopiot. Mais j'ai bien évidemment pas de filon de livres de licornes sous la main, tu penses bien, enfin je sais pas si tu penses, enfin t'es là c'est déjà ça, ça fait une présence comme la téloche, j'ai pas à me plaindre.
Toujours est-il que j'allai farfouiner dans un endroit où il était susceptible que l'on trouvât quelque ouvrage licornant pour la joie des petits et même des biens petits. Parce que mon petit-fils est bien petit, c'est normal pour son âge rassurez-vous, mais au bras de fer il est nul, je le rétame comme un moucheron, et après il chouine. Eh bien que nenni les amis, je fis chou blanc (pour le livre de la licorne je rappelle). Pas l'ombre d'une licorne, même en cherchant bien. Par contre je trouvai un livre où il était question d'un rhinocéros, bon voilà qui faisait l'affaire, on se fera pas chier jusqu'à la fin des temps non plus, me dis-je dans mon for du dedans intime m'appartenant par devers moi. J'approchai de mon petit-fils dès le retour dans mon foyer, tremblant, suant à grosses gouttes, espérant qu'il ne se rende pas compte de la grossière supercherie, les gosses n'ont pas inventé la poudre c'est vrai mais ils ont un sixième sens pour détecter les trucs qu'on ne détecte qu'avec un sixième sens, donc sans les yeux, le nez, la bouche, les oreilles, les mains ni l'odeur. Ni les pieds. Ni rien. Un truc métaphysique, psychologique, intuitif, on sait pas, le truc que tout le monde ignore ce dont on parle dès lors que personne ne sait de quoi il s'agit. Je viens d'inventer cette phrase. Je crois que je devrais la déposer à l'institut national de la propriété intellectuelle avant de me la faire carotter. Plutôt qu'à l'institut national de la propriété foncière. Ou à l'institut national de la propriété interdite, vous entrez dans cette enceinte à vos risques et périls. Cave canem et tout le bordel, je vous apprends rien.
J'enfilai mes pantoufles, m'asseyai dans mon fauteuil ah là tu vois quand j'ai écrit m'asseyai la machine n'est pas contente du tout et souligne en rouge à l'aide d'une petite vaguelette rageuse (si, je le sens bien) le mot incriminé, bon on s'en fout c'est qu'une saloperie de machine, c'est pas elle qui me dit comment je dois écrire les mots.
M'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai m'asseyai.
M'asseyai.
M'asseyai
Rhôôôô (ah merde, à rhôôôô il y a plein de vaguelettes rageuses aussi, c'est une épidémie) il y a un océan de vaguelettes rageuses, faisons chier la machine, la machine n'est pas faite pour dominer l'homme, la femme peut-être mais pas l'homme bordel. Et profitons-en pour cracher de manière posthume sur l'homme qui a inventé les robots, Isaac Asimov, encore un émigré de l'est avec un nom pareil! Merde, le français n'est plus chez lui à la fin!
Bon revenons au temps présent sinon cette satanée machine va me faire des vaguelettes rouges et là j'en ai un peu marre, si ça se trouve les machines sont plus fortes que nous, elles sont d'une logique implacable (pas comme ma femme), sans âme, une logique froide comme un restant de gigot froid dans le frigo, je sais pas pourquoi je dis ça, j'essaie d'éviter les vaguelettes rouges en brodant, alors brodons. Les bolchéviques n'étaient pas gentils. Là j'ai dit les bolchéviques n'étaient pas gentils pour voir car je ne savais pas s'il y avait un "é" ou un "e" à bolchévique et j'attendais la vaguelette fatidique, comme le couperet sur la tête du condamné, mais rira bien qui rira le dernier, les cordonniers sont les plus mal chaussés et tant va la cruche à l'eau qu'à la fin c'est fini. T'inquiète, là je brode.
J'ouvre donc le livre tant attendu et j'ouvre grands des yeux émerveillés, les miens bien sûr, et je tente de faire passer le rhinocéros pour une licorne, évidemment je me dis, le gabarit ne correspond guère, si ça se trouve je suis cuit mais peut-être n'y verra-t-il que du feu, avec son cerveau de piaf mal dégrossi. "Ohhh tu as vu la belle licorne, elle est grosse hein, ça c'est une licorne américaine!" dis-je derechef et sans trembler (j'ai pris un tube de diazépam pour pas trembler). J'attends la réaction, qui ne se fait pas attendre:
"Pas licone" (pour l'instant, le "r" est une notion très fluctuante chez mon petit-fils, soyons patient et rangeons donc ce martinet et cette batte de base-ball).
Je ne sais pas quoi répondre, surpris, paralysé et les mots sortent tous seuls, sans que je réfléchisse:
"C'est parce que c'est une licorne blindée de la Brinks qui fait des transports de fonds, c'est pour ça!"
Rhâââ (diantre, encore des vaguelettes) là c'est la boulette. Le faux-pas. La mouche dans le lait. Le cheveu dans la soupe. Le chien dans le jeu de quilles. Enfin bref, plutôt définitivement l'éléphant dans le magasin de porcelaines. Bon. Il s'est levé, il a dit "moto" et il est parti jouer avec sa moto. On jurerait qu'il s'est rendu compte de quelque chose, si ça se trouve il réfléchit. Faudrait que je lui trouve un livre avec une licorne pour voir, là quand j'ai ouvert le livre devant lui, j'ai eu la même impression que devant la machine: vaguelettes rouges.
Ah oui et sinon bonne année, on sait jamais.