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La téloche à jules-Boardwalk Empire

Publié le 20 janvier 2014 par Jules

boardwalk

En 2010, Terence Winter décide de lancer sa propre série. Difficile de trouver un projet aussi prestigieux que les Sopranos (dont il fut l’un des scénaristes phare). Cette série culte est considérée par tous les critiques comme un sommet difficilement égalable. Cependant Winter est un homme ambitieux et il va trouver un projet à la mesure de son talent. Ce sera Boardwalk Empire.

On associe souvent, dans l’inconscient collectif, la ville de Las Vegas et la mafia. On oublie qu’Atlantic City, le « Las Vegas de la côte Est », fut une des plaques tournantes de la pègre dans l’Amérique des années 20. C’est cette fascinante histoire sous fond de prohibition que tente de nous raconter Winter. Adapté du livre fleuve du même nom, il exhume pour le coup une figure peu connu du grand banditisme ; Enoch Lewis Johnson (rebaptisé pour l’occasion « Nucky » Thomson) trésorier de la ville, homme d’affaire mais surtout redoutable gangster fricotant avec les grands noms de la pègre de New York et de Chicago.

Tout commence par la promulgation du « vostead act », le 21 amendement de la constitution des Etats-Unis, qui fait débuter la prohibition mais également le trafic d’alcool. Personne n’est dupe et la corruption n’a pas de limite, atteignant même les plus hautes sphères de l’Etat. La série nous décrit l’univers de Nucky, (Atlantic city, ses casinos, ses boites de nuits face au bord de mer) et tous les moyens qu’il met en œuvre pour préserver son empire. Mais Boardwalk nous raconte également la longue odyssée de Thomson vers la damnation, à travers une époque où la corruption semble être plus qu’une norme, un moyen de survivre. Cette série peut être vue comme un long prequel avant l’édification de ce que l'on a appelé le crime organisé et qui trouva son apogée dans les années 30 avec des figures de la pègre aussi fameuses qu’Al Capone, Lucky Lucciano, ou Meyer Lanski (dont la série nous narre les irrésistibles ascensions).

Pour l’occasion, Terence Winter se paie les services d’un partenaire de choix. En effet Martin Scorsese, fasciné par le potentiel du show, décide d’en devenir producteur exécutif. Il va même jusqu'à réaliser l’épisode pilote, un véritable long métrage, où Marty se la joue Samuel Fuller, et s’amuse comme un fou avec la splendide reconstitution d’époque (HBO oblige, la série possède un solide budget). Costumes, décors, musiques, tout est parfait et nous sommes littéralement plongés aux cœurs des années 20. De plus, c’est l’occasion de faire un état des lieux sur les tensions raciales et sociales de l’Amérique des "bootleggers".

Si ce premier épisode se révèle extrêmement dense et totalement haletant (Scorsese aurait coupé 2 heures au montage !), la suite de la série propose un rythme plus apaisé. Car c’est dans l’écriture des dialogues que Winter excelle. Avec lui, un simple échange devient aussi palpitant qu’un règlement de compte. Pour servir cette mécanique de haute précision, il faut des acteurs suffisamment solides, et par chance le casting est en béton armé. Dans le rôle-titre, Steve Buscemi est parfait. Homme d’affaire faussement effacé, c’est dans les moments de colère qu’il révèle toute la dangerosité du personnage. La série est riche en personnages iconiques (qu’ils soient véridiques ou fictifs) tel que John Harrow, « gueule cassée » de la première guerre mondiale devenu tueur à gages et dont la mort semble accompagner chaque pas. Ou l’agent de police Nelson Van Alden, joué par l’acteur Michael Shannon, qui s’égare un long moment avant de rejoindre les troupes d’Al Capone.* Boardwalk Empire est à ce titre une série passionnante sur la durée, en effet certains personnages mettent plusieurs saisons à conclurent leurs axes narratifs. En prenant son temps Winter crée une histoire qui a l’ampleur d’un roman.

La quatrième saison du show voit l’arrivée du romancier Denis Lehane à la production. Il injecte encore plus de tension à l’histoire avec l’arrivée du Docteur Valentin Narcisse (génial personnage de gangster psychopathe se refugiant derrière la cause noire). Elle annonce une cinquième (et dernière) saison qui s’annonce fratricide, achevant de faire de Boardwalk Empire une incroyable saga pleine de violence sur une Amérique disparue.

*La série regorge de personnages géniaux, Michael Pitt en vétéran sanguinaire et Némésis de Buscemi. Kelly Macdonald en immigrée Irlandaise prête à tout pour sauver sa famille (au passage belle réflexion sur la condition des femmes de l’époque). Eli Thomson, l’instable frère de l’ombre génialement incarné par l’acteur Shea Whigham. Etc.


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