La Nature est un maître vraiment doué pour nous enseigner de grandes leçons. Rien de tel qu’un objet d’affection pour retenir notre attention. Le coup de cœur en question est un rosier que m’offrirent mes voisins, il y a six ans, avant de quitter le quartier. L’ennui, c’est qu’au printemps dernier, il n’avait toujours pas grandi.
Ma consternation s’évapora sous les rayons ardents de ma détermination. Au nom de mes roses, j’allais me transformer en jardinier! Toutefois, comme aucune fée des bois ne s’était penchée sur mon berceau, mon expertise horticole ne reposait que sur mon amour démesuré pour mon précieux rosier et son bouleversant parfum rose-thé.
Pour ces raisons, j’allais le suivre de près. De très très près.
C’est ainsi qu’au fil des mois, je surveillai tout ce qui portait ombrage à son expansion. Un matin, je surpris, presque toutes en fleur, la gerbe de pivoines qui le bordait à gauche. Mon chéri penchait dangereusement ses tiges dans la direction opposée. Il me semblait voir ses bourgeons se contracter. Un piquet et une corde freinèrent pour de bon le bouquet de fanfaronnes.
Tout l’été, armée de mon fidèle sécateur, j’inspectais l’espace vital de mes roses. Bravement, je taillais les arbustes avoisinants. J’enlevais tout bout de gazon, mauvaise herbe et excroissance suspecte qui menaçait la croissance de mon rosier. Je me sentais investie d’une vaillante mission. À ma défense, sachez que je demandais pardon aux intrus que je déracinais. Et j’invitais leur progéniture à pousser ailleurs, bien entendu.
En guise de gratitude, mon rosier grandit d’un mètre. Il m’offrit aussi trois glorieuses floraisons et cette immense leçon : Ce qu’on laisse nous envahir nous empêche de nous épanouir.
Il en est ainsi du jardin de ma vie. Les mauvaises herbes peuvent prendre la forme de personnes, de pensées, d’habitudes et de choses. Sans m’en rendre compte, je leur permets d’envahir mon existence et d’étouffer mon élan créateur.
En tant que jardinier de ma réalité, je suis responsable de ce que je laisse pousser dans ma tête, dans mon décor, dans mon entourage.