Magazine Journal intime

La lettre anonyme

Publié le 23 janvier 2014 par Stella

lettre anonyme

Hier, un mien ami, un monsieur que j'aime énormément et que j'ai d'ailleurs retrouvé de façon extraordinaire par l'intermédiaire de ce blog, m'a fait suivre un document par internet. Je n'ouvre pas toujours les pièces jointes, je me contente souvent de regarder le titre et je remets à plus tard - parfois même à jamais - le plaisir de prendre connaissance du contenu.

Cette fois-ci, j'étais étonnée qu'il m'envoie quelque chose, ce n'est pas dans ses habitudes. J'ai donc ouvert la pièce jointe et lu... Hélas.

Je n’ai aucune appétence particulière pour les lettres anonymes, funeste catégorie à laquelle appartient hélas cette missive. Que les informations qu’elle contient soient exactes ou non n’est pas en cause, j’ai pour la catégorie un absolu mépris. Mais je suis contre, résolument, farouchement, entièrement contre toute forme de dénonciation, quelle qu’elle soit et d’où qu’elle vienne. Dans cette lettre, tout m’apparaît abject : le vocabulaire, le style de l’auteur, son objectif final et le fait qu’elle soit diffusée sur internet et relayée par des amis. C’est avec ce genre de torchon que des femmes se sont retrouvées dans des camps de concentration pendant la Seconde guerre mondiale. C’est immonde.

Je crois que mon horreur de la lettre anonyme vient d'une histoire que m'a racontée, il y a fort longtemps, l'un de mes amis : son père était officier dans l'armée française, parti en 1939 et fait prisonnier sur le front à la défaite en 1940. Son épouse était restée à Paris. Elle s'est fait dénoncer comme juive à la police française, probablement par un voisin envieux ou jaloux ou que sais-je. Elle a été déportée à Bergen-Belsen, où elle a miraculeusement survécu. Elle a été évacuée dans l'un des trains que les nazis ont fait partir en direction de Theresienstadt, ce "train perdu" libéré par l'Armée rouge en avril 1945. Elle ne s'en est jamais remise : ni des conditions de sa détention, ni du fait qu'elle avait été dénoncée alors qu'elle était épouse d'officier français parti risquer sa peau pour la patrie.

Cette histoire, cette tranche de vie devrais-je dire, m'a beaucoup touchée. Peut-être parce que je suis petite-fille d'une résistante parvenue à traverser toute la période de l'occupation sans se faire prendre. Une Juste parmi les Nations restée inconnue du panthéon de ses pairs, mais qui a su me transmettre quelques valeurs. Alors je me suis permise de réagir, en espérant que mon interlocuteur n'en prendra pas ombrage, et lui ai envoyé quelques uns des mots que j'écris ici. J’aurais aimé que ceux-ci puissent faire le chemin inverse de la lettre anonyme, remontent de destinataires en destinataires jusqu'à la source, jusqu’à celui ou celle qui a soigneusement omis de signer sa lettre de délation. A cette personne, je pourrais alors dire : sachez, monsieur ou madame que, quelque part, quelqu’un a pour votre acte abject un sentiment de profond mépris et d’absolu dégoût. Je vous plains, vous devez être bien malheureux et bien seul pour avoir pour autrui tant de haine, au point que vous perdiez votre temps à de telles ignominies.

Souvent nous faisons suivre des choses sans vraiment les lire, sans vraiment s’attarder à ce qu’elles contiennent. Internet, c’est la liberté absolue et c’est bien ainsi, il ne faut surtout rien changer. Mais il me semble que nous devons être vigilants et ne pas trop donner dans la facilité du « clic » indifférencié car, parfois, nous véhiculons de bien vilains principes.


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