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Le dessin du dimanche

Publié le 25 janvier 2014 par Ctrltab

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Ce matin, dans mon mare de café, j’ai vu un trèfle à quatre feuilles. J’ai été rassurée, cela existait donc bel et bien. On ne m’avait pas raconté de bobard. J’ai pensé à l’histoire de la fille du gâteau qui s’était transformée en philosophe parisien spécialiste de Derrida. Je me suis demandée ce qu’elle devenait, Cerise, dans son corps d’homme qui ne lui appartenait pas. Je l’ai imaginé(e) parti(e) de l’autre côté, en Amérique, poursuivant une brillante carrière d’universitaire, sachant manier le verbe et l’art de détourner les jeunes mâles. Elle est à Princeton désormais. Elle y enseigne. Elle est directrice d’un module complet consacré à la French Theory et « ses vertiges. » En français, s’il vous plait. Elle rit, coquille, une faute de frappe s’est glissée dans le programme. Comme Francis s’est emparé de son corps de danseuse autrefois, substitution, le r a pris la place du s. Et les vertiges ont remplacé les vestiges. L’exactitude est peut-être dans la dérive. Elle excelle dans l’escroquerie, elle est une parfaite faussaire. C’est son métier. Elle transpose sur un mode abstrait ce à quoi travaillaient autrefois ses longues jambes et ses nichons dressés : le renversement des sens. Elle n’a donc aucun mal à se hisser sur les sommets des abymes du grand maître Jacques à la touffe blanche, tant vénéré Outre-Atlantique. Les étudiants sont troublés de ce professeur au ventre épais qui papillonne des yeux,  croise des jambes et se tient cambré, la main sur ventre, lorsqu’ils l’interrogent. On dit qu’il aime les petits culs bien serrés mais aussi se faire…what’s the fuck. Il n’est pas non plus insensible à la beauté des femmes et leur chatte princière. Il est au-delà des genres. Il ne s’en cache guère et se moque du département des « gender issues. » Pour lui, la question n’est pas là. Il leur dit qu’en français le mot « issue » évoque la sortie de secours et non un problème. Confusion et clarté des langues. Il leur dit qu’il est une femme dans un corps d’homme mais bien sûr, personne ne le prend au mot. Alors, parfois, Francis-Cerise se sent un peu seul(e). Elle se glisse alors dans le bureau d’Einstein qu’on a laissé intact, reliquaire sacré d’un saint au goût de relativité. La coutume estudiantine est de s’étendre au-dessous de son bureau avant un examen important. On a le droit de fermer la porte et d’y rester le temps d’un délai de 61 minutes. C’est le tour de Cerise, elle a réservé depuis un mois. Elle pose sa carcasse encombrante contre le sol, son dos s’affaisse, son regard se pose sur le dessous de la table. Elle y lit graffitis idiots et formules mathématiques. Elle ferme les yeux. Et alors Einstein lui parle à l’oreille :…


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