À trente ans, je ne pensais pas à me marier.
Ce premier samedi de février,
J’étais invité en Normandie
Au mariage de mon cousin Gerlande.
Ce fut une vraie noce normande.
On se mit à table à cinq heures,
On mangeait encore à onze heures.
Comme voisine, j’avais une demoiselle Carette,
Fille d’un colonel en retraite.
C’était une jeune blondinette,
Bien en forme, hardie et verbeuse.
Durant toute cette journée de fête,
Elle m’accapara,
…M’assomma.
Je me disais : ‘’Cela passe pour aujourd’hui
Mais demain, je file. Ça suffit.’’
Vers minuit, les femmes se retirèrent.
Les hommes restèrent
À fumer en buvant
Ou à boire en fumant,
Si vous aimez mieux.
À deux heures, le château dormait, silencieux.
Repu de nourriture,
Je montais me coucher.
J’étais si éméché
Que je peinais à trouver ma serrure.
La porte s’ouvrit. Je heurtai mon lit.
Je m’étendis et m’endormis
Je fus réveillé par une grosse voix
Qui disait près de moi :
-« Encore couchée ? Il est dix heures, Éva ! »
Une femme répondait : -« Déjà ! »
Je me suis demandé
Ce que cela signifiait.
Où étais-je ? Qu’avais-je fait ?
Mon esprit flottait dans un nuage épais.
-« J’ouvre tes rideaux. », reprit la grosse voix.
Puis des pas s’approchèrent de moi :
-« Qui est là ? »
Une terrible lutte débuta.
Les voisins accoururent, affolés.
On ouvrit les volets :
Je me colletais avec le colonel Carette !
J’avais dormi auprès de sa fille cadette.
Le colonel, enfin calmé,
M’a interpellé :
-« Bien. Que comptez-vous faire ?
Moi, je ne vois qu’un seul moyen
Pour vous tirer d’affaire :
Vous devez épouser ma fille. »
Ce propos me fit sortir de ma coquille :
-« Non, je vais m’en aller ! »
-« Ne plaisantez pas, s’il vous plait.
Sinon, je vous brûle la cervelle !
Vous avez séduit
Une prude demoiselle.
Pour vous, c’est tant pis. »
-« Ne me sermonnez pas,
Je ne l’épouserai pas. »
Peu après, mon oncle Gerlande
Et le colonel se mirent à discuter :
-« Qu’officiellement il la demande,
Et après, nous allons négocier
Les conditions du contrat. »
Cette perspective me soulagea.
Je consentis
Et regagnai Paris.
Dès le lendemain, j’étais avisé
Que ma demande était agréée.
Les bans furent publiés,
Et les billets de faire-part envoyés.
Puis je me suis retrouvé avec elle
Au pied d’un autel.
Je la regardais.
Elle pleurait.
Au soir,
J’entrai dans son boudoir
Avec l’intention
De lui faire connaître
Mes résolutions.
J’étais le maître
Maintenant !
Elle vint à moi gravement :
-« Je suis prête à faire ce que vous ordonnerez.
Je me tuerai si vous le désirez ! »
Alors, je l’ai l’embrassée
Et fus bien récompensé.
Je suis marié depuis cinq ans
Et ne le regrette nullement.