Nous étions dans les années soixante, et les années yé yé allaient bientôt céder la place aux Beatles. Un mouvement de hippies situé à San Francisco était à la une des médias et choquait toute une France un peu désuète.
Mes parents avaient cédé le bistrot, pour emménager à Roubaix, ma ville de naissance et de ma petite enfance.
Nous nous étions installés dans une maison assez spacieuse qu'ils venaient d'acheter, mais qui n'était pas à mon goût, je la trouvais triste, et une certaine nostalgie s'emparait de moi quand je me remémorais Wattrelos, le quartier et le jardin du bistrot de mon enfance.
Cette maison ne se situait pas très loin finalement de la compagnie d'assurances où j'occupais cet emploi de secrétaire depuis bientôt trois ans.
J'aurais pu garder ce job avec l'ambition de devenir secrétaire des grands patrons, les frères Verspieren, mais j'avoue que je grandissais avec les idées nouvelles de l'époque, et j'étais prise d'une certaine lassitude et des envies d'évasion m'inspirait beaucoup plus.
Je passais la plupart de mes week-ends en Belgique, proche de la frontière, avec des amies voisines et nous nous rendions en voiture dans une discothèque, où un groupe de rock de Liverpool, les Kruzads se produisaient souvent.
Nous avions fait la connaissance du groupe, dont mes amies étaient fans, même un peu plus ....Pour ma part je n'étais fan que des Beatles.
C'est ainsi que nous avions projeté de nous rendre à Liverpool aux vacances de Pâques.
J'avais obtenu l'autorisation exceptionnelle de mes parents pour ce voyage.
Mes amies allaient retrouver chacune leur musicien favori, moi j'envisageais ce voyage avec l'espoir de connaitre la ville d'origine des Beatles, et peut-être les rencontrer.
J'eus droit à la visite de Penny Lane et de la fameuse discothèque La Caverne, où ils s'étaient produits à leur début, mais pas de Beatles à l'horizon.
Une romance venait de naitre entre l'une de mes amies et un des musiciens du groupe des Kruzads, qu'elle épousera plus tard.
Ce séjour ne m'avait rien apporté d'enthousiasmant, mais j'avais mis mes cours d'anglais en pratique depuis mon départ du lycée.
A mon retour je trouvais des piquets de grève devant la compagnie d'assurances, c'était Mai 68 et toute la France se mit en grève, ce qui ne faisait qu'amplifier mes envies d'évasion.
J'oubliais mes amies et leur romance, pour finalement passer mes week-ends sur la côte belge, avec deux amis de mon quartier, nous nous rendions à Ostende, un endroit très branché à l'époque, fréquenté par les Wallons et les Flamands, mais également les Français du Nord, de Reims et même de Paris.
Il faut dire que l'endroit était très avant garde, puisque la discothèque où nous dansions toute la nuit passait du Marvin Gaye, Nina Simone, Aretha Franklin, etc....
Je ne savais pas à l'époque que je croiserai celui que je rencontrerai à Paris quelques années plus tard et que j'épouserai en secondes noces.
La pratique de l'auto-stop s'était banalisée et semblait même de bon ton à cette période.
Il m'arrivait de me rendre à Rotterdam aux Pays-bas, avec ma petite soeur pour l'achat d'une paire de chaussures, à l'insu de mes parents bien entendu.
Mais bientôt ces envies d'évasion allaient s'amplifiaient et je commençais à m'intéresser aux créations d'un certain jeune et talentueux couturier, Yves Saint-Laurent.
J'avais suivi un peu à contrecoeur, des cours de couture sur les conseils de ma mère, que je bénissais finalement puisque j'allais commencer à réaliser certaines de mes tenues, la mode trop onéreuse, ne me permettait pas de renouveler ma garde-robe. J'étais très manuelle et très créative et en matière de tenue vestimentaire je me débrouillais pas mal dans mes créations et réalisations. Mais je ne savais pas encore que j'allais un peu plus tard entrer dans ce monde magique de la haute-couture......
La plage d'Ostende sur la côte belge.