Comme je l'annonçais (cf. A propos), ce blog se veut un blog contributif dans lequel tout le monde peut participer en respectant le thème, même si c'est de façon ténue. La première à s'y coller, c'est Anne etje l'en remercie ! Bises !)J’ai peu de souvenirs de ma petite enfance, sûrement sont-ils enfouis dans une zone où je ne sais pas accéder.
Ceux qui me restent sont des déchirures. L’une d’entre elle au sens propre.
J’avais un doudou, comme beaucoup d’enfants de parents qui ont lu Dolto. Mon doudou, c’était une couche en tissus. Comme tous les mômes des générations d’avant la pampers moderne, sans doute.
Mon doudou, il était crade, il sentait mauvais, mais c’est comme ça que je l’aimais. Maman devait lutter pour me l’arracher de temps à autres et le passer à la machine (après tout, à quoi ça sert de tout stériliser si c’est pour laisser les bébés s’attacher à n’importe quelle serpillère crasseuse ?).
Un jour, et j’en viens à mon souvenir, elle l’a lavé, et d’usure, il s’est déchiré en deux morceaux. Elle a bien sûr tenté de me faire croire que maintenant j’en aurais deux, mais pour me convaincre, elle aurait dû commencer beaucoup plus tôt.
Je me souviens de ma colère, de ma rage, de ma déception ce jour- là, quand on m’a apporté un doudou qui n’était plus lui-même. Sensation d’abandon, mon pote doudou n’était plus.
Evidemment, quand je suis devenue maman, c’est l’une des premières choses auxquelles j’ai pensé. Et j’ai fait le plein de doudous identiques pour ma fille, je l’ai habituée à les laver régulièrement, qu’elle s’attache aussi un peu à l’odeur de la lessive.
Dans tous les cadeaux qu’on a reçus, je me suis rendu compte que la couche en tissus existait encore, puisqu’il y en avait un nombre certain, agrémentées certes de jolies broderies, mais des couches en tissus quand même.
Ma fille n’en a jamais utilisé la moindre comme doudou, mais elles lui ont servi à éponger des bavouilles variées et plus ou moins odoriférantes.
En les lavant, je pestais sur la place que ça prenait, jusqu’à ce que mes doigts rencontrent un morceau d’étoffe au fond de la machine. Avant de la sortir, j’ai cru un instant que doudou, mon doudou, était ressuscité du fond des âges. Le même toucher, exactement. C’est ma mémoire sensorielle qui me l’a dit, et c’était tellement puissant et venu de loin que je n’ai aucun doute sur sa reconnaissance. Et pendant quelques secondes, je me suis sentie étonnamment bien, à l’abri, protégée, dans une sorte de bulle de bien-être inattaquable et complètement irrationnelle.
Et puis je l’ai sorti, il y avait un ourson dessus, une fleur, enfin rien à voir pour le look avec mon doudou uni blanc sale. Mais la puissance du souvenir qui s’est manifesté par le bout de mes doigts m’a consolée d’une chose : peut-être qu’on a l’air d’oublier, entre enfant et âge adulte, nos toutes premières années. Mais il reste des sédiments qui ne demandent qu’à se ranimer. Tout est là, à portée de main. Même si on ne s’en rend pas compte.