1870, la guerre de sécession vient de s’achever et marque la fin d’une époque. Le général Custer part en guerre contre les sioux et trouve accidentellement de l’or dans les « Black Hills ». Ce territoire a été concédé aux indiens par le gouvernement américain et n’est soumis à aucune législation ni loi. Cette découverte va vite créer une ruée vers l’Or. Venant des quatre coins du pays, une population avide de richesse va y prospecter en toute illégalité. Plusieurs villes vont ainsi naître, la plus connue s’appelle Deadwood. Sa particularité est d‘avoir accueillis des personnages aussi légendaires que Wild Bill Hickok, Wyatt Earp ou bien Calamity Jane.
Au début des années 2000, David Milch propose à la chaine HBO la série Deadwood. C’est un projet ambitieux avec une approche radicalement anti commerciale. La chaine, surfant sur le succès critique et public des Sopranos, va donner toute latitude à Milch. Deadwood est donc un western ultra réaliste peu avare en scènes de sexe et de violence. De plus le langage extrêmement cru des protagonistes vaudra à la chaine pas mal de commentaires mais participa dans un même temps à l’aura culte du show. Ayant déjà réalisé un film sur le sujet (Wild Bill) le vétéran Walter Hill est le candidat rêvé pour diriger l’épisode pilote. Dés la première scène, une pendaison express, le ton est donné. Pas de famille Ingalls dans les parages mais de la boue de la poussière et toute sorte de sécrétions.
Parmi la multitude de résidants vivant à Deadwood, deux en particulier se détachent nettement du lot. L’ancien Marshall Seth Bullock et le redoutable Al Swearengen patron du Gem (premier bordel à avoir vu le jour à Deadwood). Ces deux personnages, (antagonistes en apparence) ont réellement existés et sont de véritables icônes de la culture populaire aux Etats Unis. L’un est raide comme la justice et tout en violence contenue (interprété avec fièvre par Timothy Olyphant) l’autre est un monstre d’une terrible humanité usant de la violence et des mots avec la même efficacité. Ce dernier joué par l’acteur anglais Ian McShane est devenue instantanément célèbre pour son charisme et pour l’usage d’une prose pour le moins iconoclaste. Le mot « Cocksucker » revenant toutes les deux phrases. Le reste du casting relève du sans faute : une pléthore d’acteurs chevronnés jusque là abonnés aux seconds rôles et manifestement ravis d’avoir à interpréter des personnages aussi fascinants. (Brad Dourif en médecin des pauvres traumatisé par la guerre civile, Power Boothe en salopard lunatique…)
Le projet de Milch est visuellement ambitieux, donnant à Deadwood un écrin que peu de séries télévisées peuvent se vanter de posséder (tournage en extérieurs, photo soignée). Mais si cette série est un régal pour les yeux, elle se montre également extrêmement exigeante sur son contenu et il faut parfois s’accrocher pour suivre les dialogues et anticiper les manœuvres roublardes d’Al. De plus David Milch en jouant sur l’ambigüité, prend un malin plaisir à brouiller les pistes. Ainsi les personnages gagnent en densité et se révèlent être toujours plus complexe. Cependant une certaine frustration peut pointer le bout de son nez tant les scénaristes laissent volontairement le spectateur dans le vague (motivations des personnages, leurs passés, l’utilité de certaines scènes). En sollicitant continuellement la participation du spectateur, ils prennent parfois le risque de se le mettre à dos. *
Mais Deadwood est plus qu’une simple chronique d’époque. La série nous raconte ni plus ni moins que la naissance d’une communauté. C’est une passionnante réflexion sur le déterminisme social. Comment du chaos se crée une société avec ses codes et ses règles et en quoi cela est une volonté inconsciente et universelle chez l’Homme. Ainsi Milch peut décortiquer les mécanismes sociétaux et les remettre en question. De la prostituée au directeur d’hôtel, tout le monde se plie bon gré mal gré à ce jeu de rôle hypocrite qu’on appelle la civilisation. Passionnante et exigeante, Deadwood est une série qui a marqué les esprits. Le public réclame en vain une quatrième et dernière saison qui ne verra malheureusement jamais le jour**. Pas grave, pour connaître la fin il vous reste les livres d’histoire.
* Les scénaristes ont avoué avoir énormément improvisé pendant le tournage.
**Comme « La caravane de l’étrange » (autre série monstrueuse d’HBO) Deadwood n’a pas de fin. La chaine préférant donner une saison 2 à « ROME ».