[TANDIS QUE J’ÉCRIS CE POÈME TU DORS]
XVIII
Tandis que j’écris ce poème tu dors
j’écris pour que tu dormes
pour que ma phrase veille sur ton sommeil
car il n’y a pas plus grand péril que les songes
dont on revient toujours séparé de soi-même
il faut que ces mots respirent avec toi
qu’ils boivent la nuit à tes lèvres
et qu’ils nous lient tous deux face à la mort
selon la loi des simples
il y a ces solitudes infinies que nous sommes
chacune de nos pensées
est un arbre grelottant
et la peau durcit
qui sépare les paroles et sépare les âmes
j’attendrai jusqu’à la consomption
de la dernière étoile
penché sur ton visage et sur l’ombre
où étrangement tu disparais
je formerai un langage autour de ton sommeil
il sera tissé de ce vieux lin
qu’on prend dans les armoires
langage que j’étends
sur toi
et qu’il épouse un rythme
dans ton cœur
tant que tu dormiras
mon poème tiendra la veille
cherchant dans la nuit ton œil bleu
nous attendrons ainsi
le jour
inexplicable
puisse-t-il mon poème parlant au bord des draps
ôter la pierre
sur ton souffle
Jean-Pierre Siméon, Lettre à la femme aimée au sujet de la mort, Cheyne Éditeur, 2005, pp. 51-52.
JEAN-PIERRE SIMÉON
Source
■ Jean-Pierre Siméon
sur Terres de femmes ▼
→ On voudrait tenir le feu entre ses dents (poème extrait de Presque peinte sur un mur obscur )
■ Voir aussi ▼
→ (sur le site du Printemps des poètes) une fiche bio-bibliographique sur Jean-Pierre Siméon
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