Après quelques éternités à s’amuser dans la lumière, l’amour eut l’idée de venir jouer dans la matière. Il trouvait sa joie dans l’infinité de formes qu’il créait. Petit à petit, comme le bourgeon devient jardin, ses créations prirent de formidables proportions.
Elles évoluèrent jusqu’au point de se retrouver dans l’œil des humains. Les commentaires allaient bon train.
On se plaignait de la pluie et du temps sec. Les uns qui aimaient s’activer en plein-air détestaient la pluie. Les autres qui aimaient les averses pour arroser leurs champs détestaient le temps sec.
Caché dans le souffle du vent, l’amour trouva curieux qu’on ignore son souci de garder équilibrée la délicate santé de la nature.
On se plaignait du changement et de la routine. Les uns qui aimaient une existence sans surprises détestaient le changement. Les autres qui aimaient les occasions de s’exalter détestaient la routine.
Caché dans le pouls de la vie, l’amour trouva curieux qu’on ignore son souci de garder stimulante la fluidité des événements.
On se plaignait de l’opulence et de la privation. Les uns qui aimaient s’entourer de confort détestaient toute privation. Les autres qui aimaient faire preuve d’économie détestaient l’opulence.
Caché dans la providence, l’amour trouva curieux qu’on ignore son souci de garder harmonieuses les complémentarités.
Puis, vint le jour où l’amour, en ayant assez entendu, toucha son point de non-retour. Il était là et… Pouf! Il n’y était plus.
Soudain, on sentit tout autour que les choses étaient différentes. Les plus sages conclurent que cette absence, ce vide, ce manque, c’était l’amour. Et qu’il avait disparu!
Inquiets, ils partirent à son secours. Mais où se cachait-il? Ils le cherchèrent dans un rayon de lune, sous la feuille d’un chou, sur un flocon vagabond, dans le sourire d’un bambin… Rien!
La rumeur courait que l’amour boudait le monde des hommes.
Après des milliers d’années et des milliards de kilomètres, les sages s’avouèrent vaincus. Ils baissèrent les bras et renoncèrent à trouver l’amour. Tout espoir était perdu…