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De la guerre civile – partie 1, les préparatifs (Commune 20/24)

Publié le 23 février 2014 par Deklo

Précédemment, on a vu la Commune au travail De la guerre civile – partie 1, les préparatifs (Commune 20/24)ici, et encore ...

[Notes : Arriver à la conclusion que décidément, non, ce n'est pas possible de se faire objectif et de prélever des faits auxquels on laisserait le dernier mot. Les faits sont infans et désaccordés. On ne travaille pas avec des faits, avec des perceptions de faits. La question du fait ne peut pas se poser. En procédant par touches, on peut maintenir des contrariétés, établir des équilibres, laisser vacant le point où on se prononcerait tout à fait. Ca ne fait pas objectivité, parce qu'il n'y a pas d'objet contre lequel on finit par achopper, et l'objectivité se ferait avec ce qui reste, forcément, mais...]

On est fin Mars. Le gouvernement a fui. Paris est aux mains des républicains, de nous. On n'imagine pas que la conciliation ne soit pas possible. Ca ne peut pas venir à l'idée. Que le gouvernement face à nous ruse et intrigue, non, ça ne se peut pas. On se dit que les maires d'arrondissements vont s'entremettre, traiter ; que la voix des républicains va se faire enfin entendre. Je veux dire, alors, si elle n'est pas entendue là, maintenant, au moment où une ville entière se lève pour la porter, c'est que... Peu importe. C'est certain de toutes façons. [

Rappeler, on l'a vu sur le chapitre concernant l'insurrection, que Vinoy, gouverneur militaire de Paris, " aurait voulu que le gouvernement patientât encore quelque temps, de manière à permettre à l'armée, toujours en voie de formation, de recevoir les renforts nécessaires que la mise en liberté de nos prisonniers d'Allemagne allait nous procurer " avant de lancer l'attaque du 18 mars. S'il ne fut pas écouté à ce moment-là, désormais le gouvernement s'arme, donc, entre autres, de patience.

Jules Favre décrit le plan de Thiers, selon lui, qui était " très résolu à la lutte ", mais ne " voulait s'y engager qu'avec la certitude de vaincre " : " refaire notre petite armée, la rassurer, la nourrir, l'encourager, accroître son effectif en obtenant de la Prusse le passage à travers ses lignes des soldats [...] et surtout négocier sans retard la restitution du plus grand nombre possible de prisonniers " . Vinoy confirme ces préparations qu'il étend du 19 mars au 2 avril : " Il fallait avant tout augmenter l'effectif de l'armée, et on ne pouvait le faire qu'avec l'assentiment des Prussiens. Les négociations ouvertes à ce sujet furent couronnées d'un plein succès. L'état-major général allemand, après en avoir référé à l'empereur Guillaume, consentit à ce que l'armée qui devait tenter de reprendre Paris sur la Commune fût portée de quarante à quatre-vingt mille hommes. Ce chiffre fut même, peu après, encore augmenté de vingt mille hommes... " .

Pour l'anecdote, noter qu'on peut lire dans le Rappel

En ce qui concerne les soldats, relever que Favre parle d'une " troupe débandée " : " épars dans les rue où ils erraient à l'aventure, les soldats affectaient d'attirer les regards par une tenue désordonnée, des cris confus et des airs provocants. Plusieurs interpellaient les passants et déclaraient hautement qu'ils ne se battraient pas contre leurs frères de Paris " . Arrivant à Versailles, " chaque bataillon campait d'abord sur les grandes et larges avenues de la ville " . On imagine le désordre de la chose...

On a vu que le directeur des Postes avait fui avec ses employés, après avoir expédié matériel, registres, caisse, même le mobilier à Versailles

Un extrait d'une lettre d'un colonel, épinglée par l'enquête parlementaire, résume l'attitude de la force militaire de Paris, qui veut que " Paris doit déployer la plus grande énergie au point de vue militaire, m ais qu'il doit se défendre et non attaquer

Il essaiera par exemple de mettre un Commandant dans chaque bataillon et cherchera à unifier, centraliser les directives quant au mouvement des troupes . Il s'occupe aussi de l'ordre au sein des troupes, prend des sanctions contre les gardes réfractaires et institue des conseils de guerre afin d'établir une " rigoureuse discipline ". Il menacera, par exemple, ceux qui " portent atteinte à la liberté individuelle en arrêtant arbitrairement, sans mandat régulier [...] des citoyens suspectés à plus ou moins bon droit " . Les conseils tardant à se former, une cour martiale sera instituée qui s'occupera de juger qui est suspecté " d'avoir refusé de marcher à l'ennemi " ; qui est accusé de vols , etc.

Relever que plusieurs conseillers de la Commune se montrent réticents quant à cette cour martiale et demandent un rapport . Suite à une discussion, qui ne sera pas publiée, une commission de révision des arrêts de la cour martiale sera nommée . Remarquer qu'en effet elle cassera plusieurs arrêts, renvoyant les inculpés en conseil de guerre . Relever dans un arrêt de cassation, la considération suivante : " si l'accusé a toujours droit à réclamer de ses juges les plus grandes garanties d'indépendance et d'impartialité, c'est surtout à une époque révolutionnaire que ces mêmes garanties doivent le moins lui faire défaut " .

Noter que le Comité de Salut public brandira à maintes reprises la menace de traduire devant la cour martiale qui écrira une attaque contre la Commune dans un journal ; qui refusera d'exécuter un ordre, même s'il manque des signatures ; qui encore sera suspecté de tentatives de corruption , etc.

On est début avril. On a la certitude que le gouvernement va entendre les républicains. On en est sûr parce qu'autrement n'est pas concevable de toutes façons. Je veux dire, ça ne se peut pas. Le 2 avril. C'est le matin . On entend un fracas sourd et déchirant. Le corps s'arrête, le cœur, le souffle, les muscles, les pensées. Comme s'il rassemblait ses forces en attendant de savoir comment réagir ou comme si lui restait un réflexe archaïque, celui de s'immobiliser devant le prédateur, celui de faire le mort. On le reconnaît, ce bruit. On l'a ausculté tous les jours de l'hiver, comparer les variations... On a pensé qu'en évaluant l'intensité de l'explosion, en écoutant le nombre d'octaves que le sifflement du projectile dépassait pendant son parcours [ Note : " Quel que soit le calibre, le sifflement du projectile dans l'air a cette caractéristique constante : du début à la fin, c'est-à-dire du moment où le projectile part du canon, jusqu'à son arrivée, il va graduellement descendant de ton jusqu'à l'explosion. Cette différence de ton peut atteindre, et même dépasser, dans une trajectoire longue, deux octaves " ], on pouvait déterminer le point où il pourrait venir se... Mais on ne connaîtrait jamais la quantité de poudre, l'inclinaison du tube, de but en blanc ou corrigée, ni la vitesse du projectile en avance ou en retard sur celle du son. Et pourtant on sait, et on se rappelle précisément à ce moment où on entend à nouveau le barrissement du canon, on sait dire quelle est l'intensité du danger et de combien de secondes on dispose. On réfléchira après. Ce qu'on sait décidément, ce qu'on comprend tout à fait, c'est que Versailles bombarde Paris.

Dimanche prochain, on reviendra sur cette attaque...

[1] Cité par Louise Michel, Mémoires, Tome I, Paris, 1886, pp. 187-188.

[2] Enquête parlementaire sur l'insurrection du 18 mars 1871, Paris, 1872, p. 326.

[3] Jean Jaurès, Histoire socialiste, Tome XI, Paris, 1901-1908, p. 305.

[4] Joseph Vinoy, Campagne de 1870-1871, Paris, 1872, p. 209.

[5] Jules Favre, le gouvernement de la Défense nationale, Tome III, Paris, 1875, p. 242.

[14] Cf le Rappel, en date du 1er avril 1871 et le Journal Officiel de la Commune, en date du 2 avril 1871, Paris, 1871, p. 127.

[15] Lissagaray, Histoire de la Commune de 1871, Paris, 1929, p. 220.

[16] Jules Favre, Discours parlementaires, Tome IV, 21 mars 1871, Paris, 1881, p. 66.

[17] Lissagaray, op. cit., p. 194.

[18] Louise Michel, La Commune, coll. Les classiques des sciences sociales, p. 288

[19] Eric Cavaterra, La Banque de France et la Commune de Paris : 1871, éd. L'Harmattan, p. 56.

[24] Arthur Arnould, Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris, éd. J.-M. Laffont, 1981, p. 232.

[26] Lissagaray, op. cit., p. 228.

[27] Enquête parlementaire sur l'insurrection du 18 mars 1871, Tome III, Versailles, 1872, p. 156.

[28] Gustave-Paul Cluseret, Mémoires, Tome I, Paris, 1887, p. 114.

[30] Cf Journal Officiel de la Commune, en date du 6 avril 1871, Paris, 1871, p. 170.

[31] Ibid, en date du 7 avril, p. 182.

[33] Ibid., en date du 12 avril, p. 635.

[34] Ibid., en date du 18 avril, p. 302.

[35] Ibid., en date du 17 avril, p. 287.

[36] Cf par ex. ibid., en date du 20 avril, p. 325 ou Ibid. en date du 21 avril, p. 335.

[37] Ibid., en date du 24 avril, p. 367.

[38] Ibid., en date du 9 avril, p. 202.

[39] Cf ibid. en date du 24 avril, p. 362 et ibid. en date du 25 avril, p. 376.

[40] Ibid., en date du 25 avril, p. 371.

[41] Ibid., en date du 26 avril, p. 385.

[43] Ibid., en date du 19 mai, p. 602.

[45] Ibid., en date du 21 mai, p. 622.

[46] Augustine M. Blanchecotte, Tablettes d'une femme pendant la Commune, Paris, 1872, p. 30.

[47] Luigi Russolo, l'art des bruits, éd. L'Age d'Homme, 1975, 2001, p. 67.


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