L'école selon M. Gabbud

Publié le 24 février 2014 par Despot

M. Jean-Yves Gabbud, qui fut rédenchef par intérim du Nouvelliste, est en train de s’acheter une virginité en brocardant Oskar Freysinger pour ses idées sur l’école. Il lui reproche de «citer en exemple l'URSS» tout en égratignant au passage ma personne pour un avis exprimé via Tweeter sur les événements d'Ukraine.

Tout ceci, bien entendu, dans le même article, afin de respecter la sacro-sainte unité de sujet qui est le B.A.-BA du journalisme. Quel rapport entre les doctrines pédagogiques et le renversement de Yanoukovitch? Aucun, sinon le besoin, monté du cerveau reptilien, de plaire à ses maîtres en plantant une volée de fléchettes dans les cibles habituelles. «Voyez comme je les ai bien épinglés! Et les deux d’un coup!» Comme diraient les pilotes de F1, un bolide se pilote «par l'arrière-train»: certaines carrières dans le journalisme aussi.

M. Gabbud n’y a sans doute pas réfléchi, mais le texte d’Oskar Freysinger sur l’école avait précisément pour but de susciter des réactions sur le sens et le fond de son travail à la tête du Département de la Formation et de la Sécurité, et non plus sur des polémiques administratives. Sous la direction temporaire de M. Gabbud, à l'automne 2013, le Nouvelliste — la Pravda valaisanne — s'est en effet quasi-exclusivement concentré sur des restrictions budgétaires dont ni Oskar Freysinger, ni personne d'autre dans son département n'est responsable, mais que lui, ses chefs de service et ses professeurs sont obligés d'appliquer à leur corps défendant. En sachant parfaitement le dégât que chaque million d'épargne infligerait à la qualité des prestations d'un département déjà soumis au «personal-stop».

Les économies douloureuses imposées aux domaines-clefs que sont la Formation/Sécurité de Freysinger et la Santé de Mme Waeber-Kalbermatten sont un symptôme et une conséquence de la marche du gouvernement cantonal dans son ensemble, au sein duquel ces deux grands ministères ne disposent que de postes «dépenses» mais pratiquement d'aucun poste «revenu». Le problème de la santé vient d'être mis sur le tapis ces derniers jours. Celui du DFS a fait les grands titres et les «unes» du Nouvelliste au temps où il était dirigé par M. Gabbud. Celui-ci a systématiquement donné la parole aux critiques d'Oskar Freysinger au sein du Grand Conseil, des gens souvent mûs par une animosité personnelle évidente à son égard et pratiquant une non moins voyante tactique d'obstruction.

Oubliant son devoir d'information et d'impartialité, le Nouvelliste de M. Gabbud s'est bien abstenu, tout au long de la crise budgétaire, de commenter cette tactique et de placer le problème de la formation dans sa vraie perspective, qui est une affaire de gouvernance générale: peut-on régir harmonieusement un Etat en distribuant de rigides et inégales «enveloppes» d'austérité aux divers dicastères — sans fixer de priorités aux tâches de l'Etat — puis en les laissant se débrouiller seuls face aux médias et à l'opinion? Aucune tribune, aucune analyse, aucune voix durant toute la crise du budget pour rappeler cette vérité élémentaire: le budget est une affaire du Gouvernement et du Parlement, et ensuite seulement d'un chef de département particulier.

Malgré les communiqués (mal relayés ou ignorés) du Département, malgré mes lettres personnelles à Jean-Yves Gabbud des 5 et 6 décembre 2013 attirant son attention sur cette déformation flagrante de la réalité, le Nouvelliste qu'il dirigeait a poursuivi sur sa ligne, laissant dire et croire que, au final, le professeur Freysinger avait une «dent» contre l'école, ou qu'il souffrait d'ultralibéralisme. Lorsque Freysinger a proposé un premier train de mesures «soft» — l'augmentation des amendes d'ordre et de la modique participation des entreprises au financement des crèches ainsi que la réduction des bourses d'études —, le Nouvelliste s'est fait la tribune d'une véritable bronca d'indignation parlementaire, politique et syndicale sans jamais se demander ce que le DFS pouvait faire d'autre. Ni relever que les coupes — toujours impopulaires — dans l'instruction publique demeurent le dernier recours de tout gouvernement, de droite comme de gauche, contraint à des économies d'échelle.

Ce train de mesures fut rejeté sans aucune proposition constructive du Parlement. L'inertie du Grand Conseil fut soigneusement occultée par le Nouvelliste qui ne posa pas non plus alors les questions élémentaires: qui était responsable de l'austérité? Qui avait proposé des issues? On oubliait tout le fond du débat pour se focaliser sur la personne d'Oskar Freysinger. Il eût été facile pour le quotidien cantonal de pondérer cette polémique en rappelant les faits essentiels. Au contraire de cela, le Nouvelliste de M. Gabbud a joué la démagogie, dénigrant le travail du ministre de la Formation à chaque fois qu'il pouvait le faire.

Telle fut, en résumé, la contribution personnelle de M. Gabbud au débat sur l'école au temps où il était aux affaires. Qu'il soit le premier à s'être laissé piéger par le paradoxe soviétique, tout en tombant dans l'amalgame le plus grossier, jette une lumière féroce sur son intégrité professionnelle, sa curiosité intellectuelle et ses capacités d'analyse et d'anticipation. •


PS Malgré le mépris de M. Gabbud, nous avons beaucoup à apprendre de l'histoire scolaire de l'URSS, en bien comme en mal. La dénoncer en bloc, témoigne d'une préoccupante étroitesse d'esprit. La Russie, soviétique ou non, est avec les Etats-Unis la nation qui a le plus contribué au développement des sciences, de la linguistique et de la pédagogie. Nous lui devons entre autres les excellents manuels scientifiques de Piskounov, encore en usage dans nos institutions. Mais nous lui devons aussi les expérimentations pédagogiques ahurissantes dont sont victimes aujourd'hui les élèves de certaines écoles, heureusement hors de ce canton. La lecture du Journal de Kostia Riabtsev de Nikolaï Ogniov (1923-1924) donne un aperçu stupéfiant de cette continuité.