Nuit

Goutte à

goutte ça

goutte dans

l'évier

comme toujours

comme avant

sur les assiettes sales

les verres, les choses laissées,

là.

Par inadvertance,

Venez.

Venez, toutes, j'ai froid de toutes ces années et ces gouttes gouttent sur mon passé.
Venez, entourez-moi de vos mains, de vos bras,
j'ai deux,
il me reste deux verres de cette soirée,
deux,

Entourez-moi, réchauffez-moi, écoutez-moi,
ne me laisse pas
trop penser à tout ça,
j'y perds le sens du sang froid,
ne me laisse pas,
en fait je ne pense qu'à toi, un peu à moi, rarement,
réchauffez-moi, la mort de moi est froide,
bien que joyeuse,
mais ça ne te regarde pas,
je te regarde, je te vois, ton visage derrière la fenêtre criblée de pluie,
ce n'est que ma main, n'aie pas peur,
ce n'est que mon coeur,
ton haleine me permet de respirer dans les couloirs de l'hôpital,
les couloirs que j'habite désormais,
des sièges où tomber un instant,
des sièges.
Un instant, attends, je rassemble ma vie.

J'ai fermé la fenêtre, soufflé la bougie, servi un dernier verre,
les volutes rondes et odorantes de la soirée me caressent la joue,
tout vacille, tout est facile, le saut de l'ange, le sourire aux criminels,
mais, putain, que le ciel est loin,
que l'alcool dans mon verre est serein, alors que moi, je ne sais l'être.

C'est une nuit à n'en plus finir, à dire non, à dire

tu peux toujours compter sur moi.