©Le Dilettante novembre 2013, Anna Gavalda
Derrière l'hallucinante couverture et l'exercice de style rebelle et provocateur, il y a quand même une histoire de liberté...
"Franck, il s’appelle Franck parce que sa mère et sa grand-mère adoraient Frank Alamo (Biche, oh ma biche, Da doo ron ron, Allô Maillot 38-37 et tout ça) (si, si, ça existe…) et moi, je m’appelle Billie parce que ma mère était folle de Michael Jackson (Billie Jean is not my lover / She’s just a girl etc.). Autant dire qu’on ne partait pas avec les mêmes marraines dans la vie et qu’on n’était pas programmés pour se fréquenter un jour…
Non seulement Franck et Billie n’étaient pas programmés pour fredonner les mêmes refrains, mais en plus, ils avaient tout ce qu’il faut en magasin pour se farcir une bonne grosse vie de merde bien ficelée dans la misère – misère physique, misère morale et misère intellectuelle. Vraiment tout. Et puis voilà qu’un beau jour (leur premier), ils se rencontrent.
Ils se rencontrent grâce à la pièce On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset. Billie a été tirée au sort pour jouer Camille et Franck, Perdican.
À un moment, dans cette scène qu’ils doivent apprendre par cœur et déclamer devant les autres élèves de leur classe, Camille lance à Franck : Lève la tête, Perdican ! et à un autre, un peu plus loin, Perdican finit par avouer à Billie : Que tu es belle, Camille, lorsque tes yeux s’animent ! eh bien voilà, tout est là et tout est dit : ce livre ne raconte rien d’autre qu’une immense histoire d’amour entre deux vilains petits canards, lesquels, à force de s’obliger mutuellement à lever la tête et à se rappeler l’un l’autre qu’ils sont beaux, finissent par devenir de grands cygnes majestueux.
En fait, on dirait du Cyrulnik, mais en moins raffiné. Là où Boris aurait employé les mots « gouffre » ou « résilience », Billie, quand elle est heureuse, lâche en ricanant : Et tac. Encore niquée, la vie.
Bah… À chacun, ses maux et sa façon de les écrire…"
Pour plonger dans cette histoire, il faut d'abord détacher son regard de cette illustration psychédélique d'un âne batifolant en couverture. "Mais si, je t'assure qu'il y a un rapport avec l'histoire, vas-y, tu verras il est bien" dixit une amie que je suivrais les yeux fermés. Et puis il y avait eu ce billet de Sita qui avait titillé ma curiosité. J'y suis allée, donc, j'ai tourné la première page.
Et là, je me suis pris le plein fouet le ton trash et le vocabulaire cru de Billie. Ladite Billie est tombée dans un trou avec son ami Franck et elle parle aux étoiles en espérant des secours. Pour entretenir la conversation, elle se met à raconter leurs parcours plus que chaotiques, leurs vies cabossées et leurs quotidiens d'écorchés vifs. Rien n'est édulcoré, le sordide côtoie la misère et l'injustice.
Une étincelle de bonheur balafre tout ce gris: la représentation d'une pièce de théâtre, "On ne badine pas avec l'amour", qui a allumé l'étincelle en eux et a regonflé leurs egos et leurs espoirs. ( profs de français, remontez-vous le moral en lisant ce livre, on passe du langage très moche aux vers les plus célestes, et on se dit que le théâtre peut parfois sauver des vies. C'est cliché, mais c'est beau. ).
Comme Billie, l'auteur secoue ses lecteurs, entière et sans concessions, violente et enragée. Pour défendre la liberté, pour mettre en lumière des destins qui se sauvent de leur noirceur à la force du français et de l'amour, ou juste par provocation? Les critiques ont été très enflammées sur ce roman, acides ou flatteuses. Si j'ai haussé les sourcils bien des fois j'ai également été touchée par les récits de vie des deux vilains petits canards. Difficile de ne pas l'être ceci dit, puisque tous les moyens sont bons pour nous attendrir, parfois même à l’écœurement. Des facilités répondent à des passages dramatiques et la caricature flirte avec bien des pages. Je préfère garder en mémoire les autres écrits de l'auteur, en même temps je comprends que l'exercice de style réussit à déranger, à secouer, à toucher au cœur et je suis épatée. Mais maintenant que je comprends enfin cette invraisemblable illustration de couverture, je vais pouvoir passer vite à autre chose. Peut être au nouveau titre de l'auteur qui sort le 12 mars, "La vie en mieux"? Mieux, c'est prometteur ;)
Un roman risqué, brut de décoffrage, qui casse l'image d'une romancière sans accrocs. Une histoire forte qui peut émouvoir ou exaspérer, qui ne laisse pas indifférent et qui vous fera voir les ânes d'une autre façon...
Lire un extrait là
blog littérature jeunesse, blog livres
©Le Dilettante novembre 2013, Anna Gavalda
Derrière l'hallucinante couverture et l'exercice de style rebelle et provocateur, il y a quand même une histoire de liberté...
"Franck, il s’appelle Franck parce que sa mère et sa grand-mère adoraient Frank Alamo (Biche, oh ma biche, Da doo ron ron, Allô Maillot 38-37 et tout ça) (si, si, ça existe…) et moi, je m’appelle Billie parce que ma mère était folle de Michael Jackson (Billie Jean is not my lover / She’s just a girl etc.). Autant dire qu’on ne partait pas avec les mêmes marraines dans la vie et qu’on n’était pas programmés pour se fréquenter un jour…
Non seulement Franck et Billie n’étaient pas programmés pour fredonner les mêmes refrains, mais en plus, ils avaient tout ce qu’il faut en magasin pour se farcir une bonne grosse vie de merde bien ficelée dans la misère – misère physique, misère morale et misère intellectuelle. Vraiment tout. Et puis voilà qu’un beau jour (leur premier), ils se rencontrent.
Ils se rencontrent grâce à la pièce On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset. Billie a été tirée au sort pour jouer Camille et Franck, Perdican.
À un moment, dans cette scène qu’ils doivent apprendre par cœur et déclamer devant les autres élèves de leur classe, Camille lance à Franck : Lève la tête, Perdican ! et à un autre, un peu plus loin, Perdican finit par avouer à Billie : Que tu es belle, Camille, lorsque tes yeux s’animent ! eh bien voilà, tout est là et tout est dit : ce livre ne raconte rien d’autre qu’une immense histoire d’amour entre deux vilains petits canards, lesquels, à force de s’obliger mutuellement à lever la tête et à se rappeler l’un l’autre qu’ils sont beaux, finissent par devenir de grands cygnes majestueux.
En fait, on dirait du Cyrulnik, mais en moins raffiné. Là où Boris aurait employé les mots « gouffre » ou « résilience », Billie, quand elle est heureuse, lâche en ricanant : Et tac. Encore niquée, la vie.
Bah… À chacun, ses maux et sa façon de les écrire…"
Pour plonger dans cette histoire, il faut d'abord détacher son regard de cette illustration psychédélique d'un âne batifolant en couverture. "Mais si, je t'assure qu'il y a un rapport avec l'histoire, vas-y, tu verras il est bien" dixit une amie que je suivrais les yeux fermés. Et puis il y avait eu ce billet de Sita qui avait titillé ma curiosité. J'y suis allée, donc, j'ai tourné la première page.
Et là, je me suis pris le plein fouet le ton trash et le vocabulaire cru de Billie. Ladite Billie est tombée dans un trou avec son ami Franck et elle parle aux étoiles en espérant des secours. Pour entretenir la conversation, elle se met à raconter leurs parcours plus que chaotiques, leurs vies cabossées et leurs quotidiens d'écorchés vifs. Rien n'est édulcoré, le sordide côtoie la misère et l'injustice.
Une étincelle de bonheur balafre tout ce gris: la représentation d'une pièce de théâtre, "On ne badine pas avec l'amour", qui a allumé l'étincelle en eux et a regonflé leurs egos et leurs espoirs. ( profs de français, remontez-vous le moral en lisant ce livre, on passe du langage très moche aux vers les plus célestes, et on se dit que le théâtre peut parfois sauver des vies. C'est cliché, mais c'est beau. ).
Comme Billie, l'auteur secoue ses lecteurs, entière et sans concessions, violente et enragée. Pour défendre la liberté, pour mettre en lumière des destins qui se sauvent de leur noirceur à la force du français et de l'amour, ou juste par provocation? Les critiques ont été très enflammées sur ce roman, acides ou flatteuses. Si j'ai haussé les sourcils bien des fois j'ai également été touchée par les récits de vie des deux vilains petits canards. Difficile de ne pas l'être ceci dit, puisque tous les moyens sont bons pour nous attendrir, parfois même à l’écœurement. Des facilités répondent à des passages dramatiques et la caricature flirte avec bien des pages. Je préfère garder en mémoire les autres écrits de l'auteur, en même temps je comprends que l'exercice de style réussit à déranger, à secouer, à toucher au cœur et je suis épatée. Mais maintenant que je comprends enfin cette invraisemblable illustration de couverture, je vais pouvoir passer vite à autre chose. Peut être au nouveau titre de l'auteur qui sort le 12 mars, "La vie en mieux"? Mieux, c'est prometteur ;)
Un roman risqué, brut de décoffrage, qui casse l'image d'une romancière sans accrocs. Une histoire forte qui peut émouvoir ou exaspérer, qui ne laisse pas indifférent et qui vous fera voir les ânes d'une autre façon...
Lire un extrait là