Béatrice Bonhomme, Variations du visage & de la rose par France Burghelle Rey

Publié le 28 février 2014 par Angèle Paoli
Béatrice Bonhomme, Variations du visage & de la rose,
L’Arrière-Pays, 2013.


Lecture de France Burghelle Rey

[« UNE ROSE ROUGE EST DEMEURÉE »]

Dès le début du recueil, à la lecture des versets qui évoquent la nature, la chatte puis la statue d’un visage — celui du peintre qui a vécu dans la maison, comme le dit l’exergue en italiques —, le lecteur est sensible au thème sous-jacent du temps.

De ce fait, dans la 4e page, sonnent, tout comme les quatre notes du premier mouvement de la 5e Symphonie de Beethoven, les quatre syllabes d’un « Tu te souviens ». Le choc est d’autant plus grand que Béatrice Bonhomme ne craint pas d’écrire la beauté et n’hésite pas à choisir la rose comme métaphore de la beauté. Réelle ou imaginaire, la rose est l’ambassadrice d’une émotion qui gagne librement son texte. On retrouve là les accents que la poésie de Lydie Dattas (dont l’œuvre revendique la « beauté ») a offert en son temps dans Le Livre des Anges, II : « Les roses respiraient le parfum de ton âme / ces roses mouraient en même temps que toi. » À une différence près toutefois : chez Béatrice Bonhomme, une rose « brûle » encore.

C’est à propos de cette rose, de son cœur et de sang, qu’au texte 4, le symbolisme implicite des couleurs, allié aux triples répétitions de la neige et du cœur et au rythme des versets, honore le souvenir du père disparu. S’y rencontre aussi, dès la décision du titre, un parti-pris de musique composée de variations et de leitmotive qui définissent les litanies.

Le royaume de l’enfance est une autre offrande au lecteur qui, avec la « maison abandonnée aux graffiti », pense à Lullaby de Le Clézio, comme il avait déjà pensé au Petit Prince et à sa rose. Il peut paraître naïf d’évoquer ces références, mais Baudelaire n’a-t-il pas dit lui-même que le poète est un enfant ? Le lecteur du recueil le redevient d’autant plus qu’il est surpris par cette nouvelle interprétation de topoï sans doute rebattus. La poète établit du reste une similitude entre les deux thèmes du visage et de la rose quand elle écrit : « Il (le visage) parlait d’enfance ». Ou encore : « La demeure s’est blottie autour d’une rose rouge qui demeure le cœur de l’enfance ».

La fresque elle-même devient, de façon magique, le terrain de jeu des enfants. Véritables actants de la création et de la transmission, les enfants « s’engluent » dans les couleurs et y laissent des « taches ». Devenus « mots », les enfants « ont écrit le mot visage dans la lumière ». Ainsi onirisme et magie fusionnent-ils dans la beauté. Le sang de la rose a servi de fard et le visage a repris vie avec les papillons-enfants « épinglés dans la fresque ».

À l’origine envahi par l’autoportrait du peintre « aux yeux vivants » — véritable présence-absence qui « ne commande plus qu’aux ombres » —, l’espace de la demeure est aux prises avec ombre et clarté. Vie et mort imposent leur dialectique au recueil.

Dans la troisième et dernière partie du recueil se confirme la tentation du narratif. Avec l’entrée des loups dans la maison :

« Les loups entrent dans la maison et dévorent jusqu’au visage peint entre les murs de salpêtre pour servir de proie au temps. »

Symboles de mort, les loups font renaître à la vie une petite fille qui « surgit du passé » pour lancer vers le public « quelques roses », comme lors des processions de la Fête-Dieu. Et, au milieu de cette métamorphose, « Sur la neige de la scène, sur la neige de la mort, une rose rouge est demeurée ». Symbole de vie et de lumière.

Le recueil se clôt magnifiquement par une adresse à l’héritier. Stello, héritier « de l’empreinte du visage ». « Accoucheur de la vie », Stello, « le Chevalier à la rose » a « porté le monde à la lumière ».

France Burghelle Rey
D.R. Texte de France Burghelle Rey
pour Terres de femmes




■ Béatrice Bonhomme
sur Terres de femmes

Mutilation d’arbre (note de lecture d’AP)
Le pacte des mots
→ [Les petits chevaux de Tarquinia] (extrait de Variations du visage & de la rose)
→ Passage du passereau
→ Poumon d’oiseau éphémère
→ Sauvages
→ T’écrire adolescent
→ La terre rouge
→ (dans l’anthologie poétique Terres de femmes) Un lacis de sang et d'ombre
→ (dans la galerie Visages de femmes) le Portrait de Béatrice Bonhomme-Villani par Guidu Antonietti di Cinarca, un poème extrait de Poumon d'oiseau éphémère et l’excipit de Mutilation d'arbre

■ Voir aussi ▼

→ (sur Terres de femmes) Kaléidoscope d’Enfances
→ (sur Wikipedia) une belle bio-bibliographie de Béatrice Bonhomme
→ (sur Terres de femmes) La rencontre Hölderlin-Jouve-Klossowski par Béatrice Bonhomme et Jean-Paul Louis-Lambert
→ (sur le site de la Revue d’art et de littérature, musique) un entretien de Rodica Draghincescu avec Béatrice Bonhomme (Numéro 45 - décembre 2008)

■ France Burghelle Rey
sur Terres de femmes

→ Trop (extrait du Bûcher du phénix)
→ (dans l’anthologie poétique Terres de femmes) Lumière du poème




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