Chacun s’accorde à penser qu’Isaac Newton était un grand homme. L’épisode de la pomme qui tombe sur sa tête et lui fait découvrir la gravitation universelle est probablement pure légende. Mais le fait est que cette "trouvaille" offre une belle excuse à la servante qui laisse tomber la tasse de thé de sa maîtresse sur le tapis du salon. C’est pas ma faute, madame, c’est la gravitation ! Charles Darwin et Alfred Russel Wallace devaient énoncer deux siècles après leur compatriote la théorie de l’évolution des espèces. Chaque jour qui passe nous prouve un peu plus qu’ils se complètent à merveille. Du fait de l’attraction terrestre, l’homme ne pouvait que descendre. Mais comme il existe la matière et l’antimatière, en mettant en équation les lois universelles du mouvement, Isaac Newton mettait également au grand jour celles de l’apesanteur. Et on a souvent l’impression, en ce moment, de vivre dans cet état second où tout n’est que légèreté, lieu-commun et banalité. Ce n’est partout dans le monde que bruits de bottes, révolutions, batailles de tous ordres, guerres et massacres. Mais abrité derrière ses frontières pourtant bien factices, notre petit monde à nous se dérobe à cette âpreté du quotidien et s’esquive sur la pointe des pieds dans l’univers des rêves et de l’irréalité. « Voici venu le temps d’une nouvelle respiration démocratique, affirme ce tract trouvé dans ma boîte aux lettres. [Voici venu le temps des] élections municipales qui permettent de choisir des candidates et des candidats et un programme correspondant aux besoins de proximité de chacun d’entre vous. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la Commune a des marges financières qui lui permettent de réaliser des projets d’importance et utiles, sans avoir besoin d’augmenter les impôts. Il suffit de cibler ses priorités et de faire preuve, non de passivité, mais d’énergie et de créativité pour, notamment, faire vivre ce qui existe déjà sur son territoire. Il faut également pouvoir parler de tout, sans tabous ni préjugés. Au-delà du passé, des clans, des chapelles et des ambitions personnelles, aidez-nous à relever ce défi dans le seul intérêt de notre commune. » Nul ne met en doute la bonne volonté des auteurs en question. Nul ne met en doute la bonne volonté des candidates et candidats des autres listes qui, à quelques mots près, partagent les mêmes sentiments et les mêmes velléités. Mais n’a-t-on pas l’impression de revenir deux années en arrière et de relire les professions de foi des plus hautes sommités de l’État ? Rien n’a-t-il donc changé depuis ? Dans le monde en général et dans le nôtre en particulier ? Rien n’a-t-il donc changé dans la tête des électeurs et dans leur compréhension des réalités et des efforts exigés ? Rien n’a-t-il donc changé dans leurs espérances ? En tout état de cause personne ne semble y croire. Rien d’autre, ici, qu’un vague constat pour rassurer, une petite friandise pour attirer le chaland, un "y-a-ka" définitif et un flou bien banal en guise de promesse d’avenir. (Où est le loup ?) Pas la moindre envolée lyrique pour vanter la beauté des paysages, des sentiers de randonnée, des étangs si riches de paix et de poésie. Rien sur la gentillesse des voisins, le sourire de la boulangère, le bagou du buraliste marchand de journaux, le bonjour tonitruant du facteur. Rien qui donne envie de vivre ici malgré, parfois, la dureté des temps.Comment, dans ces conditions, le monde pourra-t-il tourner, ici et ailleurs, un peu moins de guingois ?
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