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Le dimanche du ministre

Publié le 10 mars 2014 par Jlk

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Notes en chemin (110)

 

Retrouvailles. - Il est arrivé les mains dans les poches, en pull, à bord de sa propre voiture sans escorte. Je l'ai charrié sur cette apparente insouciance, puis il nous a expliqué qu'il prenait son dimanche et le laissait du même coup à ses gardes du corps, tandis que Nozhâ s'occupait de leurs petits-enfants. Nous avons pris place, avec son frère Rafik le scribe, dans le restau libanais de ces hauts de Tunis et je l'ai pressé de questions sur ce qu'il avait vécu ces derniers temps, après la divine surprise de la Constitution et son accession au gouvernement de transition.

En fait, il n'a guère changé depuis nos dernières soirées, en juillet 2011, où son frère furieux nous annonçait les pires lendemains. J'aimais bien sa rondeur, fondée sur un grand savoir d'avocat et de prof de droit rodé sous toutes les latitudes. Je me suis rappelé un certain cours qu'il nous avait donné sur les institution suisses, arrosé de vieux Magon, et ce qu'il m'a raconté sur son entrée au gouvernement de transition m'a fait sourire. En fait, Wahdi Jomaa, le premier ministre, lui a a tapé sur l'épaule en lui lançant comme ça: "Dis moi, Hafedh, toi qui n'a pas fait ton service militaire, ce serait peut-être le moment de servir ton pays". Et comme il hésitait, Rafik a fait valoir à son frère cadet qu'en effet il ne pouvait se dérober.

Contre l'incompétence. - Moi qui ne connais rien à la politique, je ne sais s'il est fréquent qu'une équipe dirigeante qui a fait la preuve de son incompétence soit écartée du pouvoir et remplacée momentanément, par un groupe de dirigeants supposés non corrompus et non partisans, qualifiés ici de "technocrates". D'ordinaire, cette appellation est plutôt mal vue, désignant des gestionnaires froids. Or, d'après ce que m'a raconté Hafedh  Ben Salah, il s'agit  là, plutôt, de ministres de transition choisis pour leurs compétences et non pour leurs affiliations politiques, qui vont tâcher de remettre la machine économique sur les rails avant les élections de la fin de l'année. 

 

Fils d'instituteur.  - En écoutant parler  le nouveau ministre de la Justice transitionnelle et de Droits de l'Homme, qui aura ces prochains jours pas mal de pain sur sa planche, comme on s'en doute, je pensais à cette smala pas comme les autres des Ben Salah, pas vraiment de haute bourgeoisie privilégiée puisque le père de Rafik et Hafedh était un simple instituteur menant les siens au bâtons d'âne - surtout l'insupportable Rafik, mais qui a donné une flopée de soeurs et de frères très éduqués. Je me suis rappelé l'amertume de Rafik, qui n'a jamais pardonné à son père le fait de tenir sa mère dans son état d'analphabète, même si le personnage est de ceux qui, dans la culture berbère non écrite, en savent parfois plus que les fins lettrés...


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