Près de ma maison, il y avait un puits sans fond.
Qu’est-ce que j’ai pu rêver, enfant,
Assis sur ses pierres de schiste,
Froides et bleutées comme la nuit.
J’imaginais dans l’obscurité humide
Une vie primitive et rampante,
Quelque bête d’un autre âge,
Ou un dragon sorti de la préhistoire.
Mais j’avais beau me pencher, je ne voyais jamais rien.
Rien qu’un gouffre profond au-dessus duquel je criais
Ma peur de tomber, ma peur de mourir.
Et l’écho répercutait ma voix à l’infini,
La déformant au point de la faire ressembler
A ces cris étranges des bêtes d’autrefois.
S’engageait alors un dialogue insensé où à mes questions
On répondait gravement des choses étranges et belles.
Une nuit, n’y tenant plus, j’ai quitté ma chambre
Et me suis approché, pieds nus, du puits mystérieux.
La lune était enfouie derrière les arbres de la grande forêt,
L’obscurité était totale et ma peur à son comble.
Je me suis penché, le ventre nu, sur la pierre froide et coupante.
En bas, tout en bas, les voix poursuivaient, seules, leur dialogue d’outre-tombe.