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25 degrés à l’ombre

Publié le 17 mars 2014 par Apolline Mariotte @ApollineAM

L’appel du muezzin retentit dans les haut-parleurs, ajoutant au fracas de la ville ottomane. Comme un seul homme, les Turcs occupés à une partie d’échecs sur le pas de leurs boutiques se lèvent. Sur la place, derrière un étal de fruits secs, une vieille femme aux traits burinés attend, assise sur un sac en toile chargé de grenades. Le petit cireur de chaussures a rangé ses ustensiles dans son coffre de bois. Une odeur de savon d’Alep s’échappe des bains. Dans une ruelle adjacente, la porte entrouverte de l’échoppe de tissus offre à la vue des piles de foutas jusqu’au plafond, aux coloris diaprés. Depuis la loggia du premier étage, un bougainvillier orange se déploie en cascade. Un peu plus loin, en poussant une grille en fer forgé, l’on découvre un patio planté de jasmins et de cyprès. Coiffée d’un minaret de briques rouges et de faïences bleues, la ville, enclavée dans une muraille fortifiée construite sous le règne de l’empereur Hadrien, surplombe la baie d’Antalya où de nombreux voiliers ont mouillé pour la nuit. Au fond, sur la mer d’huile et le ciel de feu, la chaîne de montagnes se découpe en nuances de bleu.

Plus au sud, une lumière rosée tombe sur l’antique Phaselis et sa baie ourlée d’eaux saphir. Sur la plage, un sarcophage ensablé s’est rempli d’eau depuis les temps immémoriaux des colons rhodiens. Les ruines du  théâtre grec sont envahies par la pinède. Un champ d’orangers a été planté sur les vestiges d’une mosaïque.

À quelques encablures de là, dans le village de pêcheurs de Kemer, deux parisiennes font la planche dans les eaux dormantes de la Méditerranée. Alors que la Grèce sombre, que l’astéroïde 2005 YU55 frôle la Terre et que la France envisage l’importation de produits sanguins pour renflouer ses stocks, loin de l’hiver français, elles tentent de colorer leur teint grisâtre.

Sortant de l’eau, elles aperçoivent un Turc en pantalon de velours. Il leur apporte, inquiet, deux verres de thé brûlant sur un plateau.

Ils sont fous ces Occidentaux.


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