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Comme j’avais des activités multiples sur ce bureau, que j’y passais du temps, on y trouvait un peu de tout. Un ordinateur bien sûr, un Mac trônant à la bonne place, c’est-à-dire pas tout à fait au centre de la table. Mon bureau est une dalle de verre reposant sur deux pieds en bois, dalle récupérée dan un dépôt-vente quelconque, assez épaisse, mais longue, et je n’ai jamais eu totalement confiance en sa solidité dans la partie centrale entre les deux pieds. Et puis, on trouvait dessus des tirés à part de revues scientifiques, des cartes en tout genre, des papiers, des carnets de terrain, des rapports antérieurs, des dictionnaires, des disques, à manger, à boire, des crayons, des règles, des journaux, des lettres, le tout dans le plus organisé des bordel possible.
J’aimais avoir à porté de main ce dont j’avais besoin, et ce dont j’avais besoin était d’une telle diversité qu’on pouvait trouver un peu n’importe quoi sur mon bureau. Le dernier papier, le dernier crayon se trouvait sur le dessus d’une pile, l’ensemble se déplaçant selon les règles chaotiques d’une tectonique des piles qui reste à écrire. Parfois un fort séisme introduisait un semblant d’ordre en regroupant par thème les éléments divers, mais ce genre d’événement, imprévisible, ne se produisait qu’à intervalles de temps très irréguliers.
Quand mon activité a changé, que j’ai définitivement renoncé à boucler cette thèse qui ne m’aurait rien apporté de plus que d’accoler le titre de docteur à mon nom quand je me rends en Allemagne, ce qui arrive rarement, j’aurai pu tout ranger, faire place nette. J’avais un vrai lieu de travail rien qu’à moi, avec un ordinateur que je ne devais partager avec personne. Mon bureau personnel n’aurait pu qu’être une table parmi d’autres dans la maison. Mais il n’en a rien été. Il demeure en quelque sorte le témoin de mes vies passées, il n’est pas retombé dans un anonymat du bureau de passage des différents membres de la famille. Je ne suis pas le seul à l’utiliser, mais il est clairement reconnu comme mien. On y trouve toujours des tirés à part, des carnets de terrain, des cartes, des crayons, des dictionnaires. J’y passe toujours du temps pour écrire des notes de blog. Bien sûr, je ne travaille plus dessus, même si je suis encore parfois sollicité pour un truc ou un autre.
Mais maintenant, je suis infidèle à ce bureau, j’ai mon autre devant lequel je passe mes journées quand je ne suis pas en réunion un peu partout. Ce bureau, j’y passe du temps, mais moins que j’en passais sur le mien. Mes activités y sont professionnelles, pas personnelles, et
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En fait, je ne suis pas capable de travailler dans un univers rangé où rien ne dépasse. Mes piles ne sont jamais droites avec des feuilles bien alignées, jamais organisées de façon tout à fait cohérente, mais globalement je m’y retrouve. En fait, je crois que je perdrais plus de temps à ranger régulièrement mon bureau qu’à laisser les documents vivre leur vie dessus. Et même, quand je passe devant le bureau de certains collègues toujours bien rangé, sans une feuille qui dépasse, ça me fait toujours un peu le même effet que lorsque je croise quelqu’un toujours tiré à quatre épingles sans un cheveu qui dépasse, avec un jean repassé et un pli dans l’axe de la jambe. Ca me fiche un peu la trouille, comme s’il manquait un peu de vie dans cette image qui paraît sortie d’un catalogue.