LA SERRE (d'après Maupassant)
Berthe et Stanislas Dufour
Occupaient une maison
Avec jardin, serre et basse-cour.
Stanislas était un bon garçon
Mais Berthe se montrait désobligeante,
Aigrie, volontaire, toujours mécontente.
Elle accablait son mari
Des plus vives railleries.
C’étaient surtout les nuits
Qui s’avéraient pénibles pour lui.
Quand il dormait,
Elle le pinçait :
-« Stanislas,
Tu tiens toute la place
Tant tu deviens gros. »,
-« Tu me sues dans le dos. »,
Ou : -« Lève-toi. Je ne dors pas. Va me chercher
Le journal en bas. »
Comme elle l’avait volontairement caché,
Stanislas ne le trouvait pas.
-« Viens te recoucher, grand nigaud ! »,
Ou : -« Apportes-moi une bouteille d’eau.»,
Ou :-« J’ai une crampe, masse-moi ! »,
Ou :-« Laisse-moi dormir, tais-toi ! »,
Et cetera…
Une nuit, Berthe saisit le bras de Stanislas :
-« J’ai entendu du bruit en bas. »
Accoutumé à ce genre d’alertes,
Stanislas ne s’inquiéta pas :
-« Tu dois te tromper, Berthe.
Qui veux-tu que ce soit d’ailleurs ? »
-« Imbécile ! Mais des voleurs !… »
Berthe sauta du lit,
Exaspérée, et dit :
-« Ils vont nous exterminer ! ! »
Elle saisit les pinces de la cheminée
Et derrière la porte se posta
Dans une attitude de combat.
En passant devant la fenêtre,
Stanislas aperçut deux êtres
Qui traversaient la cour.
Son sang ne fit qu’un tour.
Il s’élança vers le secrétaire,
L’ouvrit, prit son revolver
Et se précipita dans l’escalier.
Sous les draps, Berthe s’était réfugiée.
Elle attendit dix minutes,
Vingt minutes.
Une folle inquiétude la gagnait.
Stanislas avait été assommé, étranglé… ?
Elle ne le reverrait plus !
Certainement plus !
Elle appela Yvonne,
Sa bonne.
Mais celle-ci ne répondit pas.
Minuit sonna.
Enfin, au bout d’une demi-heure,
Stanislas remonta.
Berthe s’écria :
-« Tu me laisses crever de peur !
Tu ne t’inquiètes pas…
Comme si je n’existais pas ! »
Stanislas riait comme un fou :
-« Dans la serre,… notre bonne…un rendez-vous…
Si tu savais…ce que…j’ai vu… »
-« Hein ? Que dis-tu ?
Dans la serre… Yvonne ?
Et tu n’as pas tué le jeune homme ?
Tu vas, j’espère, chasser cette fille-là ! »
Stanislas saisit Berthe à pleins bras
Et l’entraina vers le lit…
Le lendemain à dix heures et demie,
Le couple Dufour était encore au lit.
Inquiète de ne pas voir ses patrons,
La bonne tapa à leur porte :
-« C’est l’café au lait
Que j’vous apporte. »
-« Pose le plateau sur le guéridon…
Nous sommes un peu fatigués…
Nous avons mal dormi ! »
……………………….
Certaines nuits,
Vers minuit,
Les époux émoustillés se rendaient à la serre,
Collaient leur visage à la paroi de verre
Et lorgnaient au-dedans avec curiosité,
Parfois pendant une heure et plus.
………………………
À la fin du mois, la bonne reçut
Ses gages… fortement augmentés !
Les aigreurs de Mme Dufour avaient disparu.
Le ventre de M. Dufour avait fondu !