Les nouvelles mésaventures de la rose XII

Publié le 06 avril 2014 par Observatoiredumensonge

   Les nouvelles mésaventures de la rose   

Par Jean-Marie Pieri

CHAPITRE 12

PHOTO DE FAMILLE!

Une forêt de caméras, d’appareils photo crépitait et mitraillait le perron du Palais: les journalistes accrédités se pressaient pour immortaliser le début d’une nouvelle ère. Premier avait été remercié en douceur pour ses bons et loyaux services, il avait bien tenté de s’accrocher, le pouvoir n’est- il pas si enivrant pour ceux qui le pratiquent, mais la page était bien tournée. Ni vagues, ni scandale c’était la règle!

La vie était belle, un soleil gracieux illuminait les visages des Ministres reconduits, les éconduits n’étaient pas là pour gâcher la fête et de toute façon on changeait tout avec les mêmes et le casting était parfait!

Le roi souriait aux anges, tout à la joie de se voir entouré par ce groupe si restreint et si fraternel. La déception de la campagne était oubliée, après la sévère défaite aux élections, certains parlaient de correction, même de "déculottée", les mauvais esprits de "rejet" et de "branlée".

Un futur lumineux, un avenir radieux ne s’annonçaient-ils pas avec l’avènement de Premier II? Rivalités, haines et vengeances étaient mises de côté en ce jour fabuleux, tout avait été balayé par un claquement de doigt: le fait du prince, la décision du roi.

Cambré au milieu des Ministres, le roi savourait chaque seconde, l’instant était historique: un ciel sans nuages étincelait, ni pluie, ni orage cette fois ouf!

A ses côtés Premier II jouait du menton, regard dur pointé en avant, mâchoire serrée, son triomphe était total, grand seigneur il toisait, non sans morgue et condescendance ses adversaires d’hier écrasés, humiliés, l’hostilité était jugulée, toute révolte matée!

Son regard croisa le regard froid et perçant du roi et Premier II, gêné, esquissa un sourire complaisant, il venait d’ajuster son masque, patience… patience!

A surveiller de près cet oiseau de malheur, heureusement j’ai mes informateurs pour veiller au grain, pensa le roi!

Il m’observe, ça promet, lui adressa Premier II avec un sourire glacé, s’il s’imagine que je vais me laisser faire, je ne suis pas comme l’autre baderne pour tout accepter!

Au moindre faux pas, ola, je te remplace hombre, vaya con Dios, por favor, pensa le roi, puis éclata de rire, suscitant l’hilarité générale!

Le groupe des chanceux qui avaient évité le pire en sauvant leur poste, tenait la pose, mines réjouies, beaux atours d’une parité sans faille!

Fi-fille, branchée adolescente arborait veste blanche, jupe bleue bouffante très en vogue chez les très jeunes femmes, à ses côtés Boule de billard souriait énigmatique et ravi par son nouveau poste, l’homme à l’étui restait impénétrable, le vieil enfant prodige de Dieu sommeillait discrètement, le roi à l’étroit dans son costume boudiné trop petit pour lui semblait prêt à jaillir du groupe, comme au départ d’un cent mètres olympique, Premier II en irréprochable jeune premier bis restait en retrait du maître, Madame ex jouait la simplicité du raffinement bleu horizon, la princesse des iles rongeait son frein, Dandy avantagé par sa belle taille bombait le torse, Fidèle à dessein décoiffé songeait à son nouveau job, petit crane d’oeuf à ses nouvelles responsabilités, le moutardier à l’importance de ses nouvelles prérogatives, modeste à la poursuite de son oeuvre engagée à l’extérieur du pays, Bella ciao à ses succès présents et à venir, à ses côtés l’intelligence du peuple amorçait un sourire de Joconde…

Les problèmes restaient entiers: difficultés, tragédies, souffrances, malheurs du peuple s’amoncelaient sous le tapis de l’indifférence et de l’égoïsmes des nantis!

Les économistes se trompent dans leurs prévisions, les politiques aussi: qui doit endosser ces responsabilités, le peuple souverain?

Mensonge, hypocrisie et corruption des esprits gangrènent le royaume!

Fin du jeu: la ligne se brisa, la magie était rompue, cette gaité factice se dissipa, les ministres en écoliers turbulents s’agitaient, amorçaient discussions privées, chahut intense et apartés sous l’oeil du maître…

Il était urgent d’attendre… les cuisines du palais tournaient à plein régime. Quant à la suite c’est une autre histoire…

FIN

Jean-Marie Pieri