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Amelia Rosselli | [Filtre entre moi et toi dans la sous-marine une clarté]

Publié le 09 avril 2014 par Angèle Paoli
« Poésie d’un jour

[FLUISCE TRA ME E TE NEL SUBACQUEO UN CHIARORE]

Fluisce tra me e te nel subacqueo un chiarore
che deforma, un chiarore che deforma ogni passata
esperienza e la distorce in un fraseggiare mobile,
distorto, inesperto, espertissimo linguaggio
dell’ adolescenza! Difficilissima lingua del povero!
rovente muro del solitario! strappanti intenti
cannibaleschi, oh la serie delle divisioni fuori
del tempo. Dissipa tu se tu vuoi questa debole
vita che non si lagna. Che ci resta. Dissipa
tu il pudore della mia verginità; dissipa tu
la resa del corpo al nemico. Dissipa la mia effige,
dissipa il remo che batte sul ramo in disparte.
Dissipa tu se tu vuoi questa dissipata vita dissipa
tu le mie cangianti ragioni, dissipa il numero
troppo elevato di richieste che m’agonizzano:
dissipa l’orrore, sposta l’orrore al bene. Dissipa
tu se tu vuoi questa debole vita che si lagna,
ma io non ti trovo e non so dissiparmi. Dissipa
tu, se tu puoi, se tu sai, se ne hai il tempo
e la voglia, se è il caso, se è possibile, se
non debolmente ti lagni, questa mia vita che
non si lagna. Dissipa tu la montagna che m’impedisce
di vederti o di avanzare; nulla si può dissipare
che già non sia sfiaccato. Dissipa tu se tu
vuoi questa mia debole vita che s’incanta ad
ogni passaggio di debole bellezza; dissipa tu
se tu vuoi questo mio incantarsi, — dissipa tu
se tu vuoi la mia eterna ricerca del bello e
del buono e dei parassiti. Dissipa tu se tu puoi
la mia fanciullaggine; dissipa tu se tu vuoi,
o puoi, il mio incanto di te, che non è finito:
il mio sogno di te che tu devi per forza assecondare,
per diminuire . Dissipa se tu puoi la forza che
mi congiunge a te: dissipa l’orrore che mi ritorna
a te. Lascia che l’ardore si faccia misericordia,
lascia che il coraggio si smonti in minuscole
parti, lascia l’inverno stirarsi importante nelle
sue celle, lascia la primavera portare via il
seme dell’indolenza, lascia l’estate bruciare
violenta e incauta; lascia l’inverno tornare
disfatto e squillante, lascia tutto — ritorna
a me; lascia l’inverno riposare sul suo letto
di fiume secco; lascia tutto, e ritorna alla
notte delicata delle mie mani. Lascia il sapore
della gloria ad altri, lascia l’uragano sfogarsi.
Lascia l’innocenza e ritorna al buio, lascia
l’incontro e ritorna alla luce. Lascia le maniglie
che coprono il sacramento, lascia il ritardo
che rovina il pomeriggio. Lascia, ritorna, paga,
disfa la luce, disfa la notte e l’incontro, lascia
nidi di speranze, e ritorna al buio, lascia credere
che la luce sia un eterno paragone.



[FILTRE ENTRE TOI ET MOI DANS LA SOUS-MARINE UNE CLARTÉ]

Filtre entre moi et toi dans la sous-marine une clarté
qui déforme, une clarté qui déforme chaque expérience
du passé et la distord en un phrasé mobile,
distordu, inexpérimenté, expertissime langage
de l’adolescence ! si difficile langue du pauvre !
mur brûlant du solitaire ! arrachantes intentions
cannibalesques, oh la série des divisions hors
du temps. Toi dissipe si tu veux cette faible
vie qui ne se plaint pas. Qui nous reste. Toi
dissipe la pudeur de ma virginité ; toi dissipe
la capitulation du corps à l’ennemi. Dissipe mon effigie,
dissipe la rame qui bat sur le rameau en contrebas.
Toi dissipe si tu veux cette vie dissipée dissipe
toi mes changeantes raisons, dissipe le nombre
trop élevé de requêtes qui m’agonisent :
dissipe l’horreur, déplace l’horreur au bien. Toi
dissipe si tu veux cette faible vie qui se plaint,
car je ne te trouve pas, et je n’ose me dissiper. Toi
dissipe, si tu peux, si tu sais, si tu en as le temps
et l’envie, si c’est le moment, si c’est possible, si
sans faiblir tu te plains, cette vie mienne qui ne
se plaint pas. Toi dissipe la montagne qui m’empêche
de te voir ou bien d’avancer ; rien ne se peut dissiper
qui déjà ne se soit raffaissé. Toi dissipe si tu
veux cette faible vie mienne enchantée à
chaque passage de faible beauté ; toi dissipe
si tu veux cet enchantement mien, — toi dissipe
si tu veux mon éternelle recherche du beau et
du bon et des parasites. Toi dissipe si tu peux
mon enfantinage ; toi dissipe si tu veux,
ou peux, mon enchantement de toi, qui n’est pas fini :
mon rêve de toi que tu dois forcément seconder,
pour diminuer. Dissipe si tu peux la force qui
me conjoint à toi : dissipe l’horreur qui me revient
vers toi. Laisse que l’ardeur se fasse miséricorde,
laisse que le courage se délite en tout petits
bouts, laisse l’hiver s’étirer important dans
ses cellules, laisse le printemps emporter la
graine de l’indolence, laisse l’été brûler
violent et sans prudence ; laisse l’hiver revenir
défait et carillonnant, laisse tout — reviens
à moi ; laisse l’hiver reposer dans son lit
de fleuve à sec ; laisse tout, et reviens à la
nuit délicate de mes mains. Laisse la saveur
de la gloire à d’autres, laisse l’ouragan se déchaîner.
Laisse l’innocence et reviens à l’obscurité, laisse
la rencontre et reviens à la lumière. Laisse les poignées
qui recouvrent le sacrement, laisse le retard
qui ruine l’après-midi. Laisse, reviens, paie,
défais la lumière, défais la nuit et la rencontre, laisse
des nids d’espoirs, et reviens à l’obscurité, laisse croire
que la lumière est une éternelle comparaison.

Amelia Rosselli, La Libellule [La libellula, Sellerio Editore, Milano, 1985 ; Garzanti Editore, Milano, 1997], Ypsilon Éditeur, 2014, pp. 38-39-40-41-42. Traduction et postface de Marie Fabre.





AMELIA ROSSELLI

Amelia_rosselli

Ph. © Dino Ignani - Tous droits réservés
Source

■ Amelia Rosselli
sur Terres de femmes

Amelia Rosselli | Adolescenza (+ notice bio-bibliographique)
→ [La tua debolezza è la mia vittoria] (poème extrait de Variazioni Belliche + traduction française par Marie Fabre)
→ T’aimer et ne rien pouvoir faire d’autre que t’aimer (poème extrait de “Dialogo con i Poeti”, Serie Ospedaliera 1963-1965)
→ 11 février 1996 | Mort d’Amelia Rosselli (article de Marie Fabre + extraits de Variazioni Belliche, dans une traduction de Marie Fabre)

■ Voir aussi ▼

→ (sur le site des éditions Ypsilon) la page de l'éditeur sur La Libellule
→ (sur le site des éditions Ypsilon) un extrait du Dossier Amelia Rosselli de la Revue Europe (n° 996, avril 2012, pp. 197-201)[PDF]
→ (sur YouTube) Amelia Rosselli lisant en français trois des neuf poèmes d’Adolescence, dont les deux poèmes ci-dessus (lecture du 13 avril 1987)
→ (sur Rai-TV Radioscrigno) d'exceptionnelles archives sonores, dont l’étonnante lecture d’un extrait de Sleep par Amelia Rosselli
→ (dans l’anthologie permanente de Poezibao) un extrait de Documento 1966-1973 d’Amelia Rosselli (traduction inédite d’Angèle Paoli)
→ (sur le site de l’Unità) « Amelia Rosselli, rivoluzionaria della poesia » par Lello Voce
→ (sur trickster) « La traduction chez Amelia Rosselli | Entre désappropriation et appropriation linguistique », par Sarah Ventimiglia




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