Magazine Journal intime

Boulevard Exelmans

Publié le 12 avril 2014 par Dandy @dandy___candy

Elle était revenue depuis deux ou trois jours, je ne sais plus. C’était l’été car nous avions déjeuner en terrasse le midi même. Déjà elle avait relancé la machine à reproches. Parce qu’après nous être séparés, après avoir envisagé de revenir elle était tombé dans les bras d’un autre. Et qu’il fallait s’en défaire désormais. Je ne pouvais qu’être patient, l’écouter ou bien partir. Mais tant qu’il reste de l’amour, il me restait l’envie. J’ignorais si nous étions au début ou à la fin de quelque chose, je savais simplement que quoi qu’il arrive ce serait difficile. La perdre ou la reconquérir, rien n’était simple. Et en regardant son visage perdu derrière ses lunettes noires. Je savais que ses mots ne collaient pas avec ses sentiments. Il y avait un mélange de revanche, de colère, elle s’était perdue toute seule en ne faisant que réagir face aux évènements qui survenaient. Il n’y avait pas de cap, et plus de guide. J’essayer de lui prendre la main pendant ce déjeuner, elle me souriait en me demandant si on allait y arriver. Mais dans son sourire j’aurai sans doute pu voir qu’elle n’avait pas la force. La force qu’il faut pour se pardonner, pour faire le tri dans ce qu’on aurait pu, ce qu’on aurait dû. Pourtant elle voulait faire un choix. Revenir pour nous donner une chance. Mais ça n’allait pas être facile. C’était ses mots. Je voulais la rassurer en lui disant que notre complicité nous sauverait, qu’on était à nouveau du même coté, qu’il n’était pas question qu’on se plante une seconde fois. Mais le scepticisme la gagnait toujours. A moins que ce soit un autre espoir, un autre échappatoire plus simple auquel elle songeait désormais. Est-ce que derrière ses lunettes noires,  son cerveau bouillonnant se demandait comment elle allait pouvoir revenir vers l’autre la tête haute ? Et alors combien de temps ça allait lui prendre pour se faire pardonner ? Etait-elle en train de comparer l’énergie qu’il fallait pour revenir vers moi et l’énergie qu’il fallait pour retourner vers l’autre ? Elle ne se fermait aucune porte de toute évidence. Et ses promesses de nous donner une chance de reformer un couple sonnaient comme des phrases répétées mais pas comprises.

Le soir même nous étions invités chez des amis qui nous avaient connu ensembles et qui se réjouissaient de nous voir à nouveau main dans la main. Mais quand je suis rentré à l’appartement, elle s’était allongée sur le canapé. Feignant une fatigue suspecte. Et grommelant des remises en questions que j’ai trouvé lourdes et malvenues. J’ai insisté, arguant que nous avions accepté, qu’annuler sans raison était indélicat, que je n’avais aucune intention d’y aller seule. Et elle m’a jeté un regard noir, disproportionnément furieux en me disant, d’accord allons-y, prenons la voiture. C’était l’été et je n’avais pas de manteau, une fois garé j’ai eu le réflex de lui tendre les clés en lui demandant de les mettre dans son sac, et dans un regard délicat, je lui ai demandé si ça allait mieux et si elle pensait tout de même passer une bonne soirée. Elle m’a demandé de ne pas m’inquiéter et m’assura qu’elle était heureuse d’être là et s’excusa pour la scène de l’appartement.

Il faisait beau et la terrasse était superbe, perché au sixième étage d’un immeuble Haussmanien du boulevard Exelmans. L’appartement de deux cent mètre carré nous avait fait ouvrir de grands yeux, et la consolait sans doute un peu d’avoir fait l’effort de se lever du canapé. Pendant que notre hôte s’était mis à cuisiner, elle s’était approché de moi et avait posé sa tête contre mon épaule. J’ai eu le reflex de la retirer tant ce geste m’a surpris. Je lui ai jeté un regard moitié interrogatif moitié surpris. Elle m’a répondu : Quoi ? On est ensemble non ? Et j’ai tenté de me détendre, pensant qu’après tout, j’était sans doute tendu moi aussi et qu’il fallait qu’à mon tour je laisse les choses se faire si je voulais que les choses prennent une bonne tournure. Alors je l’ai saisie par la taille comme une amoureuse et j’ai laissé ma tête tomber contre la sienne. J’était lassé de devoir me méfier de chacun de ses gestes, de chercher à décrypter chacun de ses mots. Je voulais que tout cela cesse, et que les mois à venir ne soit que des gestes tendres comme celui-ci. Sans arrière pensée, sans risque, sans trahison, sans mensonge. A mesure que les verres se vidaient, les histoires devenaient plus légères. Elle s’est lancée dans une confession sur les mois de notre rupture, expliquant qu’elle avait cherché à me faire du mal mais que c’était sans doute à elle même qu’elle avait voulu en faire, mais que maintenant tout ceci était terminé, et qu’elle était heureuse d’être revenue pour de bon. Je n’ai pas su lire dans le regard de nos hôtes s’il fallait voir du scepticisme ou de l’admiration. Mais les verres continuaient à se remplir dans les rires pendant que nous admirions le soleil se coucher sur cette immense terrasse où tout Paris nous regarder festoyer.

Après le desserts nous fumes invités à descendre au salon pour prendre le café. J’étais confortablement assis sur un canapé design qui faisait fasse à une grande bibliothèque intelligemment garnie. Et je me sentais largement heureux de ce diner, de cet endroit, d’avoir retrouver mon amour, d’avoir ri avec ces amis. Elle était sorti sur le balcon fumer une cigarette pendant que je sucrais mon café. Je n’ai pas remarqué qu’elle avait appelé quelqu’un pendant quelques secondes, j’ai pensé qu’elle écoutait un message, et j’ai surtout pensé qu’il fallait arrêter de la fliquer et de lui mettre une pression qui n’aurait sans doute aucun effet sur elle.

Nous avons remercié chaleureusement nos amis et une fois dans l’ascenseur. Elle ne dit plus un mot. Moi j’ai tenté, ça va ? Tu n’en as pas un peu rajouté là ? Elle s’est contenté de hausser les yeux. Et j’ai compris qu’il ne fallait pas l’entraîner sur ce terrain. Une fois la lourde porte d’entrée ouverte sur le trottoir, elle m’a simplement lancé. Je ne rentre pas. Comment ça tu ne rentres pas ? Tu veux sortir ? Non a-t-elle répondu. Je ne rentre pas, toi tu peux rentrer, moi je ne vais pas rentrer. Je n’ai pas compris, ou j’ai voulu ne pas comprendre. Mais comme j’avais décidé de ne plus lui faire de reproche, ni de la sermonner, et que je voulais retrouver un semblant de fierté, j’ai dis d’accord, ne rentre pas, on verra cela plus tard. Et j’ai pris seul la direction de la voiture. Au bout de quelques mètres, je me suis aperçu que je n’avais pas les clés. Je me suis retourné et ne l’ai pas vu. J’ai sorti mon téléphone qui n’avait plus de batterie. Et je me suis mis à courir sur le boulevard Exelmans, cherchant dans tous les sens où elle avait bien pu aller. Quand je l’ai aperçu elle était de l’autre coté du boulevard, je l’ai appelé plusieurs fois, j’ai hurlé, et elle a fait mine de ne pas m’entendre. Pour me montrer sans doute que sa décision était prise. Elle ne rentrerait pas. Elle avait déja hélé un taxi, alors je me suis mis à traverser le boulevard sans même prendre garde aux voitures qui défilaient dans la nuit. Quand je me suis retrouvé à sa hauteur, je lui ai expliqué essoufflé, qu’elle avait mes clés. Et je n’ai pas pu m’empêcher de rajouter, c’est ridicule n’est-ce pas ? Cette situation, toi, moi sur le boulevard Exelmans, moi sans mes clés, toi partie sur un coup de tête ? Elle ne répondit pas. Sortit les clés de son sac Miu-Miu que je lui avais offert pour son anniversaire et me les tendit sans les regarder. Son visage sans expression me lança un dernier mensonge : je ne vais pas où tu penses. Et je su immédiatement que c’en était un. Comme si me faire croire autre chose était de nature à me rassurer, comme si un dernier mensonge pouvait laisser une porte entrouverte. Elle avait sans doute besoin que je doute encore, que je souffre moins et peut-etre que je puisse un jour encore lui pardonner ceci. M’avoir planté au milieu du boulevard Exelmans.

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