INTERVIEW – AUDIO. Ukraine: J’étais, hier-soir, sur les ondes de la Voix de la Russie

Publié le 23 avril 2014 par Menye Alain

Comment désamorcer la crise en Ukraine ? Question pour un champion ! Enfin, on peine à comprendre comment est-ce qu’une guerre civile en gestation sponsorisée par le Mi-6 et la CIA puisse se résorber d’une façon purement diplomatique. Entre les sanctions surréalistes infligées à la Russie, l’exacerbation de la course aux pipelines et les provocations qui se multiplient avec à l’arrière-plan les contours déjà manifestes d’une guerre subversive importée, on se demande à quel dénouement s’attendre.

L’échec de la voie diplomatique était déjà avéré au lendemain de la concession du 25 janvier lorsque Ianoukovitch a décidé de donner satisfaction aux opposants en les associant au pouvoir. Cette concession ne conduisit à rien puisque le Président ukrainien fut renversé le mois d’après. D’ailleurs, y-a-t-il lieu de s’en étonner quand on sait que la vague orange de 2004 avait pour but de remplir les premières conditions de la recomposition de l’Eurasie ? Fixées en 1990-1991, elle devait se réaliser par le biais de l’extension du bloc Transatlantique vers les frontières russes, par l’encerclement des puissances concurrentes – la Russie de Poutine et la Chine font véritablement concurrence aux USA – enfin, par le détournement de l’UE de la Russie, cela au détriment des intérêts de l’UE. Ledit projet devrait entraîner à terme l’éclatement de la Russie en trois entités étatiques indépendantes les unes des autres (Moscovie, Oural, Sibérie) avec, à l’ouest, une Ukraine antirusse entièrement soumise à Big Brother à l’instar des Etats Baltes. Comme je l’avais déjà indiqué dans ma dernière analyse, la stratégie du Grand Echiquier de Brzezinski recoupe celle de Rosenberg, amplement décrite dans son essai intitulé « Mythe du XXème siècle ».

Pour ce faire, tous les moyens sont bons. La fourniture zélée d’armes aux éléments radicaux et les attaques subversives perpétrées contre les civiles font malheureusement partie de l’arsenal mis en œuvre. C’est ainsi que le SBU (Service de sécurité ukrainien) vient de saisir à Kiev un « lot de plus d’un million de munitions d’origine étrangère » dont le poids s’élèverait à 12 tonnes ! Il n’y a qu’à comparer avec la Syrie où la CIA envoyait des tonnes d’armes par le « canal des rats » via la Libye (voir l’enquête de Seymour Hersh). C’est ainsi que Nikolaï Bordiouj, secrétaire général de l’Organisation du traité de sécurité collective, a évoqué l’interpellation de trois terroristes néo-nazis du Praviy Sector infiltrés dans la république de Kalmoukie et dans la région de Rostov. Ces trois personnes étaient manifestement censées observer le mouvement des troupes russes ce qui néanmoins n’exclut pas des initiatives plus musclées à l’image de celles que projetaient les sept ultranationalistes ukrainiens arrêtés en mars à Moscou.

Quid de la suite ? Allain Jules, journaliste indépendant et blogueur de renom, nous livre son analyse des scénarios à prévoir.

La Voix de la Russie. « Que pensez-vous de la réunion quadripartite qui s’est déroulée jeudi dernier à Genève ? Est-ce que vous partagez l’analyse d’Aymeric Chauprade qui considère que les pays occidentaux ont enfin fait preuve de réalisme en associant la Russie à cette conférence ?

Allain Jules. Je partage totalement cet avis-là. En revanche, il y a malgré tout un problème : le phénomène de la Russia associée s’inscrit plutôt dans le contexte du marché des dupes dans la mesure où les USA sont sciemment en train de précipiter Kiev dans une espèce de dérive pour parvenir à isoler la Russie. Je m’explique. Quand on voit le voyage, par exemple, du vice-Président américain à Kiev qui vient soutenir des gens qui ne respectent pas les termes de la conférence de Genève, cela pose un immense problème. Parce que quand on parle de mettre tout le monde d’accord pour le désarmement, il devient clair que Kiev n’est pas prêt à collaborer alors qu’il devait commencer à isoler les groupes extrémistes comme le Praviy Sector. Or, ce sont bien des radicaux qui ont validé le coup d’Etat de Kiev aidés en cela par les Américains qui persistent dans l’exercice de leur soutien. La réalité se résume donc toujours aux accusations formulées par Washington à l’égard de la Russie, à son rôle de catalyseur des troubles dans les régions de l’Est de l’Ukraine. Je crois donc personnellement que l’association de la Russie à la conférence n’a d’autre objectif que de faire croire que les troubles se limitent à l’est du pays et que la partie russe doit agir en conséquences car les Américains sont en train de la duper sur ce dossier ukrainien.

LVdlR. Pensez-vous que la situation qui règne actuellement en Ukraine de l’Est puisse dégénérer ?

Allain Jules. Elle va probablement dégénérer. Ce sera notamment vrai si les Russes n’interviennent pas. Il s’agit peut-être d’un scénario pour ainsi dire extrême mais possible dans la mesure où la volonté de Kiev est claire. On sait très bien que les USA leur ont donné cet aval – c’est-à-dire de tuer – pourvu qu’il y ait une Ukraine désunie… parce que, de toute façon, l’Ukraine ne pourra plus être unie ! Quand on voit la violence avec laquelle le pouvoir usurpé de Kiev voulait aller reprendre les bâtiments administratifs et autre bâtiments publics, on comprend que la désescalade n’est pas prête à s’annoncer. En outre, les mouvances extrémistes n’accepteront jamais de se coucher devant le pouvoir de Kiev qui est quand même issu d’un putsch. Par conséquent, je considère que la situation pourrait dégénérer si les Russes ne s’interposent pas. D’autant plus que, d’après ce que j’ai appris, les émissaires de l’Occident sont en train de sonder le terrain pour voir de quelle façon il leur serait possible d’armer la junte kiévienne pour mieux réprimer les populations pro-russes de l’Est. Vous voyez où ça peut mener …

LVdlR. Quel scénario vous semble plus envisageable ? Celui de la fédéralisation des régions de l’Est de l’Ukraine ou celui de leur soumission par la force ?

Allain Jules. Il n’est pas facile de faire des prévisions exactes qui tiendraient sur une longue durée. Mais ce qui est sûr, c’est que si la Russie n’intervient pas, ces gens pourront finir soumis, le processus de fédéralisation devenant en l’occurrence très difficile. Kiev sera suffisamment bien armé pour pouvoir mener ses actions à bout. Par conséquent : soit les gens seront tenus par la force ce qui exclut la paix dans ces régions, soit il faudra redéfinir le statut du russe, encadrer par des lois la conscience ethnique de ces gens tout en envisageant un processus de décentralisation mais je ne crois pas que dans les faits ces gens soient prêts à un scénario de ce type. Ceci dit, un fédéralisme est toujours possible. Bien plus, ce serait la meilleure solution pour Kiev s’il aspire à la paix. A défaut, si les autorités autoproclamées envisagent de retenir les gens par les armes, la situation va inéluctablement dégénérer.

LVdlR. Vous pensez donc que la Russie doit intervenir coûte que coûte ?

Allain Jules. Je le pense fortement ! Il n’y a que l’intervention de la Russie qui puisse apporter la paix. Les appels au secours abondent parce que ces gens-là savent que l’Occident, USA en tête, va armer Kiev pour qu’il aille jusqu’au Sud-est réprimer dans le sang tout mouvement de contestation. L’aval de Washington en poche, ils ne seront plus susceptibles d’être poursuivis. Je ne suis pas devin mais je pense sincèrement que l’intervention de Moscou est inévitable ».

Commentaire de l’auteur. La Russie a en effet le droit – et même, dans une certaine mesure le devoir – d’intervenir dans l’Est ukrainien, cela pour la simple et bonne raison qu’elle prendrait alors la défense des Russes de souche ou de ceux qui aspirent au rattachement. Mais il reste ceux qui sont partisans de l’option « fédéralisation », ceux qui, à des degrés divers, réclament plus d’indépendance vis-à-vis de Kiev. La situation est donc autrement plus délicate qu’il n’y paraît. Si maintenant, dans l’esprit du jeu d’échec si cher aux idéologues de l’Outre-Atlantique, Ianoukovitch regagne l’Est du pays en tant que seul Président légitime et que de cet Est hostile aux idéaux du Maïdan il demande le secours de la Russie, alors là, certes, il s’agira d’un moment tout à fait propice à l’intervention russe. Personne ne pourra alors parler d’ingérence armée puisque ce serait méconnaître les normes du droit international. Et si celui-ci est aujourd’hui bafoué, il continue néanmoins à exister. A la Russie de le faire valoir en contrepoids des violations flagrantes des droits de l’Homme dont les manitous occidentaux se rendent quotidiennement coupables.

 

Source: La Voix de la Russie