On l’a dit et répété : le cinéma de non-fiction n’est plus le genre mineur qu’il fut souvent, didactique ou simplement illustrait. « L’intérêt du thème n’est qu’un des critères de notre sélection », nous disait ainsi Luciano Barisone à son arrivée aux commandes, en 2010. Depuis lors, le festival piloté jusque-là par Jean Perret, a connu un regain de fréquentation de quelque35%.
L’édition 2014 s’annonce riche, avec 175 films de toutes provenances, trois leçons de cinéma données par les« maîtres » Pierre-Yves Vandeweerd, Ross McElwee et Richard Dindo, sous forme d’ateliers, un Focus sur la Tunisie combinant la projection de 15 films récents et un programme d’aide à la création.
En outre, nouveauté cette année: la section Grand Angle qui propose le meilleur des films documentaires présentés dans d'autres festivals internationaux importants.
Pour mémoire et en deux mots, rappelons que c’est en 1969, dans le tumulte post-68, que le Festival du film documentaire s’est implanté à Nyon sous la direction de Moritz de Hadeln. C'est à Nyon qu'il fut alors possible de découvrir la production documentaire des pays del'Est, comme celles de tant d'autres cinématographes, sans oublier les productions suisses, qui s'imposaient pour leurs qualités thématiques et esthétiques. C'est aussi à Nyon que les diverses luttes pour les indépendances ont trouvé un écho:des pays du tiers monde à l'émancipation de la femme, en passant par la libération sexuelle.
En 1985, la première vague étant retombée, la manifestation connut un second souffle sous l’impulsion de Jean Perret, devenant alors Visions du réel.
Ma sélection perso pour ce premier jour :
Richard Dindo, L’exécutiondu traître à la patrie Ernst S. Avec Niklaus Meienberg, 1976. 1h.39. Sallede La Colombière, à 14h.
Pour ceux qui ne l’auraient pas encore vu, ce film,très controversé à sa sortie, fait toujours date du point de vue historico-politique, et d’abord critique, autant que les Reportages en Suisse de Meienberg. J'y reviendrai plus longuement...
Moyen métrage plein de sensibilité, ce film a ledouble mérite de documenter l’évolution d’un lieu mythique, La Goulette,caractérisé par son doux mélange de cultures et de confessions, autant quepar sa convivialité populaire,aujourd’hui menacé par le béton et tous les nivellements ; cela vécu danssa chair et son âme par Angela, qui se raconte en vérité, désarroi et colère.La projection principale est réservée à L’opposant, d’Anis Lassoued, évoquantl’entrée en politique de Mohamed, diplômé supérieur mais sans emploi, commetant de ses concitoyens. Je n’en dirai pas plus n’ayant pas vu le film.
Nadia El Fani, Laïcité Inch Allah, 2011. Focus Tunisie
Capitole 2, 16h.30.
Pratiquant l’attaque frontale, Nadia El Fani s’en prend à un tabou religieux durant sa célébration de 2010 : le ramadan. A Tunis, au marché, dans les cafés, sur une terrasse de Sidi Bou Saïd, elle interpelle les gens et débusque l’hypocrisie ambiante de ceux qui font semblant. Film militant dont la révolution accentuera l’impact, jusqu’à sa projection marquée par la violence des islamistes, Laïcité Inch Allah m’a un peu gêné, pour ma part, du fait de son agressivité très rhétorique et plus encore de sa forme jetée. Comme on le verra avec les autres films du Focus Tunisie (à commencer par La Maison d’Angela), le réel tunisien peut être approché plus finement et avec d’autres nuances. Du moins la réalisatrice a-t-elle "cassé le morceau", avec un courage impressionnant.
Pour le reste du programme, le site du Visions duréel et son profil Facebook sont in-con-tour-nables…