
Alejandro Jodorowsky, cinéaste culte des amateurs de midnight movies (les excellents El Topo et The Holy Mountain, pour ne citer qu'eux) rêvait d'adapter Dune, le roman de Franck Herbert, au
cinéma. Il était en passe de réussir son pari complètement fou lorsque ses producteurs le lâchèrent subitement. La déception fut immense.

La première Planche de L'Incal
Avant l'Incal: version originale et revue
Notez la main du personnage au second plan
judicieusement allongée pour cacher le sexe
Une planche mythique de l'Incal recolorisée par les Studios Beltran
Après l'Incal sera donc colorisé à la palette graphique, ce qui est loin de rendre justice au travail de Moebius, lissant et afadissant son trait. Si, au vu de certaines planches, on peut légitimement trouver que cet album n'est sans doute pas le plus réussi de Moebius, le mise en couleur, par moment franchement ratée, fait perdre définitivement toute vie au dessin.Mais l'échec de ce Nouveau Rêve tient aussi au scénario de Jodorowsky. Il sécrète que les événements survenus depuis la fin de Avant l'Incal et la totalité de l'Incal n'auraient été qu'un rêve. Jodorowsky reconnaîtra son erreur et il voulut recommencer l'histoire, mais Moebius, fatigué et un peu fâché, se désolidarisa du projet.
Journaliste: Il s’est passé huit ans entre la publication du tome 1 de Après l’Incal avec Moebius et celle de ce premier tome de Final Incal. Vous paraissait-il important d’apporter certaines modifications, et si oui lesquelles ? S’agit-il d’ailleurs d’un complément ou… d’un recommencement ?Jodorowsky: Ce n’est pas du tout un complément, moi comme écrivain dans Après l’Incal de Moebius, je me suis trompé. Je ne sais pas quelle idiote de mouche m’a piqué pour décider que toute l’histoire de L’Incal n’était qu’un rêve. Idée extrêmement facile. Après une cure en mangeant des noix de coco chez les indiens d’Amazonie, j’ai récupéré mon intelligence chamanique. Les sages rats à huit pattes que j’ai vus dans mes délires m’ont prié de recommencer l’histoire. Moebius, gentiment fâché avec moi, a décidé de ne pas me suivre dans cette voie “schizophrénomystique”, j’ai dû attendre huit ans pour trouver un artiste à la hauteur de la nouvelle version. Le rêve s’est transformé en plusieurs mondes parallèles.Après l'Incal est mort.Il reste un objet bancal, mal né. mais il reste des moments étonnants qui semble résulter de l'influence constante que ses auteurs insufflent au projet. L'Elohim, entité mystérieuse qui aide John Difool, en est l'expression la plus marquante. Apparaissant initialement comme une petite fille en complet décalage avec l'exubérance de la Cité-Puit, il devient vite une entité polymorphe qui évolue à chaque case, comme un cristal fou échappé du désert B De cette folie constante, un peu malade, le livre dégage un beauté trouble, imparfaite.Les auteurs eux-mêmes reconnaissaient que ce livre est raté.Mais même dans ses erreurs, il s'en dégage quelque chose de troublant.Ce livre est malade et les auteurs ont volu le laisser mourir.Il fut question de le retirer définitivement du catalogue, comme s'il n'avait jamais existé.Qu'il ne soit qu'un livre rêvé.

8 ans plus tard, Jodo lancera donc Final Incal (titre grotesque au possible). Il modifie son scénario pour corriger les erreurs de la première mouture. La nouvelle version est sans doute plus "crédible" mais perd un dimension onirique qui faisait le charme de la version originale. Au dession, José Ladronn, dessinateur mexicain qui avait déjà signé les couverture des éditions américaines de l'Incal, s'en sort honorablement. Son dessin classique et efficace convient au moule d'une intrigue classique à défaut d'être originale. Mais au lieu des 6 tomes que Jodorowsky envisageait, il fut contraint de conclure son intrigue en 3 tomes, dont le dernier, au scénario qui confond rythme endiablé et précipitation, vient de paraître.
Après L'Incal vs Final Incal
Et l'éditeur, pour des raisons qui lui appartiennent, a ressorti Après l'Incal de ses armoires. Il lui a adjoint les dernières planches du tome 1 de Final Incal pour les "synchroniser" (ce qui est justifiable, avec une certaine dose de cynisme, considérant que le nouveau postulat de Jodo inclut des univers parallèles)Détail piquant, les couleurs de Final Incal sont cette fois traditionnelles. Oubliés les effets de palette graphique des années 2000. Verra-t-on un jour une version de Après l'Incal recolorisée?