Dans le miroir des souvenirs
J’ai croisé le regard de l’enfant que je fus.
Il se promenait le long de la rivière
Qui coule depuis toujours
Sous ses arches de pierre bleue.
Il y avait là-bas des forêts infinies
Qui frémissaient sous les tempêtes d’automne
Tandis que des hordes de nuages
Déchiraient l’immensité des cieux
Sous des équinoxes pluvieux.
Dans le miroir des souvenirs
Se dressa soudain une adolescente de quinze ans.
Elle baissa pudiquement les yeux
Quand elle se sentit désirée
Par un condisciple amoureux.
Il y avait sur les murs pourpres du lycée
Des vignes vierges et sauvages
Qui montaient à l’assaut des nuages
Tandis que penchés sur nos vieux bancs tachés d’encre
Nous traduisions Horace, Virgile ou Tacite.
Dans le miroir des souvenirs
J’ai revu ton ombre exquise et délicieuse
Frêle silhouette amoureuse
Qui se dévêtait lentement
Dans des hôtels improbables.
Il y avait dans la chambre aux rideaux fermés
Tout ton amour qui se donnait
Dans l’odeur poivrée et chaude
De ton corps aux mille senteurs de vanille
Quand se brisa le miroir des souvenirs
Il ne resta que des éclats étincelants
Sur la surface changeante de la rivière
Et dans mon cœur le regret infini
De toutes ces amours perdues.