Le pire, c'est ce sentiment de ne plus pouvoir raconter. Face au vide, elle ne peut plus écrire. Des images, pourtant, elle en a plein la tête. Il enfile sa veste, il examine l'arrière de sa mini, il rabat son ordinateur, il prend des photos, il allume une cigarette à la fenêtre, il danse, il relève son chapeau sur son front, il trinque, il cligne sa paupière...
Les anecdotes, elle les a toutes racontées. Mais comment dire l'importance de ces petits gestes qui peuplent sa mémoire ? Comment faire comprendre que ce sont ces souvenirs sans histoires qui le décrivent le mieux ? Elle n'y arrive pas. Y arriver, ce serait le faire revivre et c'est impossible, n'est-ce pas ?
Il est mort. Voilà ce qu'elle se répète cent fois par jour comme pour s'en convaincre. Sur son bureau, elle a mis une photo de lui en noir et blanc. Il fronce les sourcils derrière ses petites lunettes. Il paraît triste et soucieux. Sur cette photo, il pense, il est. Et pourtant, quand elle regarde attentivement le cliché, elle voit la mer pâle qui l'avale. Et elle comprend qu'il n'est plus là.