Dimanche dernier, l’exposition « Métal Hurlant – À suivre » qu’accueillait le fonds culturel Hélène et Édouard Leclerc à Landerneau a fermé ses portes avec un taux de fréquentation plus qu’honorable et justifié pour une exposition complète, tenant ses promesses, intelligemment conçue et permettant d’apprécier à sa juste mesure, en resituant leur travail dans leur contexte, le talent de tous ces artistes qui ont contribué à sortir la bande dessinée de la case « presse enfantines ». D’une certaine façon, l’exposition nous mettait sous les yeux trois âges de la bande dessinée que l’on peut comparer à trois périodes de la vie d’un homme : à l’entrée, des planches de Jijé, Franquin, Peyo et autres pères fondateurs de la B.D. franco-belge « grand public » qui fit les beaux jours de Tintin et de Spirou, relatent l’enfance de ce support. L’adolescence est représentée par la folie des créateurs de Métal hurlant, avec le déchaînement de délires, d’abord S.F. et porno avec Druillet, Moebius, Forest et compagnie, puis rock grâce notamment à l’arrivée d’une certain Margerin : la bande dessinée fait sa puberté et laisse exploser en toute liberté ses pulsions. Avec (À suivre), ensuite, ambiance moins rock’n’roll et plus littéraire : la B.D. s’assagit après les années-défouloir et s’affirme comme une littérature à part entière grâce à Pratt Tardi, Comès et tous les autres. Bien entendu, cette présentation est volontairement schématique et ne résiste pas au fait que les deux revues étaient contemporaines car toutes deux fondées durant les années 1970, même s’il est vrai que Métal a vécu une décennie de moins que son confrère. Quoi qu’il en soit, l’idée est là : ces deux revues ont, chacune dans un domaine bien particulier, démultiplié le champ des possibles pour la bande dessinée européenne, Métal en la libérant de ses carcans moraux et (À suivre) en lui faisant faire jeu égal avec le roman. On ne les remerciera jamais assez : on manque de bonnes revues de B.D., aujourd’hui…
Dans son numéro 456, Fluide Glacial rend un double hommage à Franquin avec un article de Phil Casoar consacré à un recueil d’entretiens accordé par le grand dessinateur à des fanzines et cinq planches de notre compatriote lorrain Dutreix parodiant l’univers de Gaston Lagaffe en lui imaginant une face cachée bien inattendue ! Une heureuse initiative tant il est vrai qu’on a célébré beaucoup trop discrètement cette année le 90ème anniversaire de celui qui était et restera à jamais le plus grand créateur de bandes dessinées de tous les temps ; contrairement à Goscinny, avec lequel il était un des rares à pouvoir rivaliser scénaristiquement parlant, il n’a pas raté le coche de la « nouvelle » bande dessinée qui, de ce fait, lui doit énormément si pas tout, tant sa participation au Trombone illustré et la publication de ses Idées noires a décomplexé les suiveurs. Pensez donc, le maître incontesté de la B.D. franco-belge développer des thèmes aussi sombres et s’emparer à pleines pognes de sujets aussi cruellement d’actualité ! Mais même sans cela, il n’y aurait rien à jeter dans son œuvre, comme peuvent en témoigner Spirou, Modeste et Pompon, Isabelle, le Marsupilami, Arnest Ringard et, bien sûr, l’adorable Gaston qui lui ressemblait tellement. À côté de ça, les branlettes intellectuelles de certains dessineux d’aujourd’hui qui se prennent pour de grands philosophes, c’est du pipi de chat et je suis poli !
- Et toi, Blequin, tu n’es pas un de ces dessineux, comme tu dis ?
- Ben… Heu…