A.B.C.D = Les 4 mousqueterres de l’agro
L’arme de ces « mousquetaires » n’est pas la rapière, l’honneur et les gasconneries mais l’achat et la vente du blé, du soja, et autres céréales cotés en bourse à Chicago, de là, ben comme toutes bourses du monde on y spécule, on y gagne, on y perd à la roulette financière. Chaque jours, des nuées de navires sillonnent les océans pour amener des quantité phénoménales de céréales d’un point à un autre. Tout « l’art » du gain est de savoir convoyer ces cargaisons. Les charger lorsque le cours est au plus bas, les faire attendre en des eaux internationales, car lorsqu’il y a pénurie dans un pays, le plus tardivement les cargaisons arriveront à bon port, et plus haut en sera le court… La morale là dedans ? Aucune, c’est du business, et même si au final, des populations entières crèvent de faim ; qui ? S’en préoccupera. Le discours est : exploitons, achetons, transportons et spéculons, spéculons pour gagner du pognon.
Dans ce marigot, qui joue avec les ventres creux, ou les ventre obèses ; 4 géants, nommés les « ABCD » font la pluie et le beau temps. Ce sont des multinationales du trading de matières premières issues de l’agriculture qui se partagent entre 75% et 90% des échanges de blé, maïs, de soja et toutes autres matières premières qui vont de la viande, au sucre, la farine, les fruits etc. sur ce marché mondialisé. Un 5ème larron vient depuis 2013 d’entrer dans ce quatuor. Ce 5ème a une réputation plus que douteuse, mais, toutefois chaque année approche les 150 milliards de chiffre d’affaire…[1]
Présentation des duellistes
A, pour, Archer Daniels Midland fondée en 1923, multinationale américaine œuvrant dans l'agro-industrie. En 2009, elle possède 270 usines à travers le monde. L'effectif est estimé à 26 000 personnes. Chiffre d’affaire $80 milliards.
B, pour, Bunge : création 1818, américaine, agriculture et négoce, 25.000 employés, chiffre d’affaire : $53 milliards.
C, pour, Cargill : fondation 1865, américaine, agroalimentaire et élevage, 140.000 employés dans 65 pays, chiffre d’affaire : $133 milliards.
D, pour, Louis-Dreyfus commodities, fondée en 1851, français, 10.000 employés, négoce de grains, chiffre d’affaire : $60 milliards
Et la 5eme roue du carrosse est : Glencore-Xstrata compagnie anglo-suisse de négoce et courtage de matières premières. Elle résulte de la fusion le 2 mai 2013 de Glencore, compagnie de négoce et de Xstrata, multinationale dans l'extraction minière. Effectifs 57.000, chiffre d’affaire : $145 milliards.
En Europe, ces 5 lascars sont presque des inconnus du grand public. Pourtant entre le moment du matin où vous mettez le pied à terre, et le soir où vous tombez dans les bras de Morphée, vous serez passez directement ou indirectement par leur tiroir caisse. Que ce soit le corn (maïs) de vos flakes, la farine de blé de votre pain, le jus d’orange, le sucre de votre confiture, le chocolat de vos biscuits, le café dans votre bol et le jambon sur vos toastes, jusqu’à la fin du jour, si vous déjeunez de viande de bœuf, porc, volaille et repas végétarien ; si le soir vous achetez un diner tout prêt ou si vous allez au restaurant, sachant que 88% de ceux-ci utilisent des mets surgelés et bien, à par l’eau du robinet, pour le reste, vous aurez consommez sans le savoir chez l’un de ces « big 5 ». Effrayant non ? 5 grands groupes contrôlent entre 75 et 90% de toute la bouffe planétaire. Cette approximation de 15% des chiffres est due à ce que 2 de ces multinationales sont privées et donc, non pas l’obligation de donner des chiffres au public…
Prenons le + important, CARGILL
En 1985, Cargill est devenu la première société agroalimentaire du monde, devant l'Anglo-néerlandais Unilever et le Suisse Nestlé. Ce sont 500 bateaux qui sillonnent les mers chaque jour au nom de cette compagnie.
Mais aussi : CARGILL a été mise en cause pour l'impact de la culture de soja sur la forêt Amazonienne.
Elle est aussi souvent citée, notamment par Jean Ziegler, ancien rapporteur spécial pour le droit à l'alimentation du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, comme un acteur majeur de la crise alimentaire mondiale, en raison de spéculations et de prises de profit massives sur les produits alimentaires de base.
Quelques exemples : actuellement avec la crise en Ukraine, dont l’autre nom est : le grenier à blé de l’Europe, fait les bonnes affaires de ce groupe (et des 4 autres) ; en peu de temps, le prix du blé a grimpé de 30% à la bourse de Chicago.
Le meilleur coup : les émeutes de la faim en 2008 en Afrique, Asie et Amérique latine qui par effet opportuniste a vu les bénéfices de CARGILL grimper de 69% !
En fait, ces « big 5 » profitent au maximum des crises, des guerres, des pénuries et autres joyeusetés humaines. Et même des impondérables climatiques ; exemple : le pdg de BUNGE en 2010 a spéculé habilement pendant la grande sécheresse d’Argentine et de Russie sur l’approvisionnement de blé ; à l’arrivée, + 30% sur l’action de sa société.
Voilà comment ça se passe
Disons dans un pays de l’Asie du sud est très pauvre, là où on peut imposer des prix imbattables sur le riz grâce à la corruption des élites. Remplir des bateaux ras la gueule, puis les faire traverser jusqu’à la corne d’Afrique, Yémen, Soudan et autres paradis terrestres. Pendant cette traversée, selon la montée et la baisse des cours à Chicago, selon que le fioul augmente, selon que les taux des monnaies fluctuent, selon la météo ; La cargaison va changer de proprio de multiple fois. Et comme les « big 5 » ont crées et montées des filiales financières leur appartenant, et bien, on se renvoi la cargaison de filiales, à courtiers, ce qui a pour effets de faire grimper les prix, et si en plus, des ordres sont données au capitaine de bien vouloir croiser dans les eaux internationales, d’y faire des ronds et d’attendre benoitement que la situation de famine explose, et bien, là c’est le jackpot garanti.
Pas bien moral tout ça. Mais derrière ces grandes manœuvres il y a des « hommes »…
Il y a une vingtaine d’années je dinais à Paris avec un couple d’ami. Graig, un américain était courtier en riz. Il nous conta sans aucune émotion qu’une de ses cargaisons en ce moment était immobilisée au large du Soudan, (c’est à l’époque de Kouchner et de son fameux sac de riz sur l’épaule) ; que depuis quelques jours sa cargaison avec pris des 20, 30%... Et lorsque je lui demandais si en rien cette situation le dérangeait, il me répondit : « It’s nothin personnal, it’s just business ». Dire que ce petit salopard venait d’une bonne famille de la cote est, d’une bonne université et que certainement il croyait dur comme fer aux valeurs démocratiques de son pays. Depuis ce jour, je sais, de bons garçons, de bonnes filles œuvrant pour ces « big 5 », ont moins de sens moral que le dernier bonobos en rut de n’importe quel zoo d’ici bas.
Le petiot dernier des « big5 »
Pas triste l’histoire de Glencore-Xstrata ; son fondateur, Marc Rich a été poursuivi à plusieurs reprises pour corruption et évasion fiscale. Après avoir œuvré durant 37 ans dans un halo de mystère, cette société très controversée qui a reçu en 2008 le prix du Public Eye Awards de la multinationale la plus irresponsable, est entrée en bourse en 2011 et est classée 6e entreprise européenne.
Dans l'affaire Pétrole contre nourriture, Glencore a été citée dans le rapport de Paul Volcker pour avoir versé des commissions occultes à Saddam Hussein.
Glencore et Xstrata ont, en Colombie sur le site des mines de charbon de Cerrejon, rasés des villages entiers et expropriés leurs habitants de force avec la complicité des autorités et de l'armée.
Si vous allez sur Wikipedia, la liste est longue comme 1 bras… Et c’est « ça » qui entre dans ce club fermé, ce club qui peut ou non distribuer la bouffe, créer des famines, renverser des gouvernements élus, provoquer des émeutes, des révolutions, et aussi propager des épidémies par manque de contrôles sanitaires. Quand je vous dis que ce monde me laisse rêveur me croyez vous ?
Et en plus, les « big 5 » accaparent des terres
D’une façon direct ou indirect en sponsorisant certains programmes.
Alors que 868 millions de personnes souffrent de sous-alimentation, selon l’Onu, l’accaparement de terres agricoles par des multinationales de l’agrobusiness ou des fonds spéculatifs se poursuit. L’équivalent de trois fois l’Allemagne a ainsi été extorqué aux paysans africains, sud-américains ou asiatiques. Les plantations destinées à l’industrie (pour transformer en éthanol les céréales) remplacent l’agriculture locale. Plusieurs grandes entreprises françaises participent à cet accaparement, avec la bénédiction des institutions financières ; alors Parlons un peu du français de ces 5. Louis Dreyfus group :
-« Au Brésil, le groupe français Louis Dreyfus, spécialisé dans le négoce des matières premières, a pris possession de près de 400 000 hectares de terres : l’équivalent de la moitié de l’Alsace. Ces terres sont destinées aux cultures de canne à sucre et de soja. Outre le Brésil, l’empire commercial s’est accaparé, via ses filiales Calyx Agro ou LDC des terres en Uruguay, en Argentine ou au Paraguay.
En ces périodes de tensions alimentaires et de dérèglements climatiques, c’est bien l’agriculture qui semble être l’investissement le plus prometteur. « En 5 ans, nous sommes passés de 800 millions à 6,3 milliards de dollars d’actifs industriels liés à l’agriculture », se réjouissait le directeur du conglomérat, Serge Schoen. »[2]
Plus généralement
Selon la base de données Matrice foncière, l’accaparement de terres représenterait 83 millions d’hectares dans les pays en développement. L’équivalent de près de trois fois la surface agricole française.
Un néocolonialisme agricole se concocte juste sous nos yeux
-« États, entreprises publiques ou privées, fonds souverains ou d’investissements privés multiplient les acquisitions – ou les locations – de terres dans les pays du Sud ou en Europe de l’Est. Objectif : se lancer dans le commerce des agro carburants, exploiter les ressources du sous-sol, assurer les approvisionnements alimentaires pour les États, voire bénéficier des mécanismes de financements mis en œuvre avec les marchés carbone. Ou simplement spéculer sur l’augmentation du prix du foncier. Souvent les agricultures paysannes locales sont remplacées par des cultures industrielles intensives. Avec, à la clef, expropriation des paysans, destruction de la biodiversité, pollution par les produits chimiques agricoles, développement des cultures OGM... Sans que les créations d’emplois ne soient au rendez-vous. »[3]
Puisque les 3 mousquetaires sont mentionnés…
Cette citation de ce cher Dumas père s’appliquant au « big 5 » :
- « Je suis venu à Paris avec quatre écus dans ma poche, et je me serais battu avec quiconque m'aurait dit que je n'étais pas en état d'acheter le Louvre. »
Oui, ok, da & Yes ! Le Louvre est vôtre depuis des lustres, mais, mais… Ce à quoi Dumas fils aurait répondu :
- « Combien avaient raison les Anciens qui n'avaient qu'un même dieu pour les marchands et les voleurs. »
Georges ZETER/Mai 2014
Lire l’excellent article sur basta ! à bastamag.net
[1] http://www.theguardian.com/global-development/poverty-matters/2011/jun/02/abcd-food-giants-dominate-trade
[2] http://www.bastamag.net/Bollore-Credit-agricole-Louis
[3]http://www.bastamag.net/Bollore-Credit-agricole-Louis