THE HOMESMAN
Un film de Tommy Lee Jones
J’aime bien les westerns. Enfin, ceux postérieurs à une époque où leur unique mission était de démontrer combien les Indiens s’avéraient de sanguinaires sauvages, que John Wayne faisait bien de calmer à grand renfort de Smith et Wesson. Là, les westerns m’emmerdent.
Mais quand Sergio Leone vint coller une mouche exaspérante sur la joue mal rasée d’un desperado ou que Robert Redford se laissa pousser le total look trappeur (Jérémiah Johnson), l’affaire devint bien plus intéressante. Quelques années plus tard, le western retrouva encore un second souffle via d’autres réalisateurs inspirés (dans des films comme « Danse avec les loups », « Dead Man », « L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford », « True Grit », « Django Unchained », etc.) et moi, j’étais toujours de la partie.
Comment expliquer cet intérêt ? Comme pour tant d’autres, l’appel des grands espaces, la culture amérindienne, le fantasme de la liberté, les chevaux galopant dans les plaines, la nature préservée n’y sont certainement pas étrangers. Alors, quand le dernier long-métrage de Tommy Lee Jones promet une virée vers les hautes plaines, vous pouviez être certain de me trouver dans les parages.
Mary Bee Cuddy fait figure d’étrangeté dans la population venue coloniser les vastes étendues de l’ouest. En cette année 1854, elle dirige seule sa ferme, laboure ses champs comme un homme sans pour autant délaisser ses fourneaux, ne supporte pas le moindre parjure dans sa maison et caresse le vif espoir de trouver bientôt un mari.
Dans l’immédiat, elle va devoir abandonner ses projets. Alors qu’aucun de leurs époux n’a voulu les accompagner, elle accepte de conduire 3 femmes (ayant sombré dans la folie suite à leurs terribles conditions de vie) vers l’Iowa, où elles seront prises en charge.
Dans un premier temps, Mary Bee pense faire le voyage seule. Un périple de 6 semaines à travers une région hostile où les attaques d’indiens et de rigoureuses conditions climatiques ne sont pas à écarter, n’effraie pas une femme de sa trempe. La justice expéditive du coin met alors sur sa route Georges Briggs, roublard mercenaire en attente de sa rencontre avec son créateur.
En échange de sa délivrance, il s’engage à lui servir d’escorte sur les dangereuses routes de l’ouest sauvage.
Le retour du buriné Tommy Lee Jones derrière la caméra a tout, de prime abord, d’une fresque académique. Planté dans un univers que l’acteur / réalisateur affectionne (il s’était déjà frotté au western dans l’une de ses premières réalisations, « Trois enterrements ») « The Homesman » n’échappe pas à la règle : traitement d’un roman de Glendon Swarthout (une habitude pour l’auteur puisque adapté pour la 7ème fois au cinéma), réalisation tout à fait classique, choix d’un genre fermement implanté dans l’inconscient collectif…
Pourtant, Tommy Lee Jones choisit de raconter la petite histoire dans la grande, en proposant un épisode singulier où les hommes ne font pas toujours la loi (depuis le bien vite tombé dans l’oubli « La dernière piste », la chose est assez rare dans un film d’éperons pour qu’on le signale).
Sacrée bonne femme que cette Mary Bee Cuddy (robustement campée par Hilary Swank, une habituée de ce genre de rôle), fortement attachée aux valeurs morales et religieuses, obnubilée par l’idée fixe d’un mariage et l’acquisition du statut lui faisant cruellement défaut (car vous imaginez bien qu’à l’époque, une célibataire trentenaire pourvue d’un solide caractère était loin de faire l’unanimité dans sa communauté).
L’image de la femme, il en est aussi question dans les trajectoires de celles qui ont perdu l’esprit, celles dont on se débarrasse comme de vulgaires paquets car devenues inutiles à de bien peu compatissants maris.
Par-delà cette analyse en creux de la condition féminine au XIXe siècle, « The Homesman » est aussi le portrait d’une époque, de conditions de vie où seul le plus fort (rapide / rusé / retors) restera debout.
Tommy Lee Jones distille au gré du voyage, des rencontres, des crises de démence des pensionnaires du convoi, de la relation entre Mary et Georges, une histoire pas aussi conformiste qu’elle pourrait le laisser penser.
En vous remerciant.
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