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Publié le 03 juin 2014 par Rolandbosquet

          Un sol humide et une terre meuble offrent un terrain de jeu idéal à l’un des pires ennemis du jardinier, lataupe. Avant même de songer à chevaucher sa tondeuse, il lui faut d’abord arpenter son courtil pour araser d’un coup pied énergique les taupinières qui illustrent sa pelouse. À cette occasion, peut alors apparaître fortuitement l’entrée d’une galerie. Il l’enfonce d’un coup de talon rageur tandis qu’une question surgit à son esprit : que se passerait-il si je tombais dans un trou noir ? Les astronomes affirment qu’il ne se passe rien. Leurs télescopes les plus puissants n’ont en effet encore jamais détecté aucun corps céleste après sa chute dans le trou laissé par une étoile massive effondrée sur elle-même. Noir c’est noir, disent-ils. Plus noir encore que dans le placard sous la cage d’escalier. On ne sait ni pourquoi ni comment. Les faits sont ainsi. On ne peut pas tomber impunément dans un trou noir. Les astrophysiciens ont beau couvrir leurs tableaux noirs d’équations du dernier degré, coucher  sur le papier les théories les plus vertigineuses et surcharger les disques durs et les barrettes de mémoire de leurs ordinateurs des raisonnements les plus sophistiqués, aucune lueur ne vient éclairer le mystère. Et non seulement la question continue de tarabuster les Albert Einstein et Stephen Hawking les plus imaginatifs de notre troisième millénaire mais elle se double aujourd’hui d’une énigme tout aussi inquiétante. Est-ce qu’on peut sortir d’un trou noir ? On a longtemps estimé que la lumière elle-même ne pouvait y pénétrer sans dommage. Comme dans un magasin un jour de soldes, tout doit disparaître. Mais les postulats sont faits pour être dépassés. En réalité, rien ne disparaîtrait vraiment. Demeurerait, au minimum, la trace du passage. Le petit haut qui vous va si bien peut avoir quitté le présentoir, restera encore le ticket de caisse. Les hypothèses les plus folles courent désormais de colloques en congrès. On suppute ainsi qu’un mur de feu recouvrirait l’entrée des trous noirs, détruisant toute matière qui tenterait de le traverser comme le papillon se brûle les ailes à l’approche de la flamme de la bougie. Mais d’aucuns pensent que ce mur est en réalité d’épaisseur quasiment nulle tant il est mince. Qu’il n’a qu’une existence virtuelle, sans substance ni matière. Plus subtil encore qu’un sourire de concierge un jour de pluie. La question et son corolaire restent alors sans réponse : que se passe-t-il quand on tombe dans un trou noir et peut-on en sortir ? Ces interrogations sont d’autant plus cruciales qu’elles n’agitent pas seulement les petites cellules grises des plus grands mathématiciens. Elles perturbent également les cogitations de nombre d’hommes politiques. Accrochés hier au firmament des popularités, certains aujourd’hui frôlent dangereusement les lisières du trou noir. Maladresses, désamour des électeurs, imbroglio des affaires, les causes peuvent être multiples et variées. Vont-ils disparaître à jamais ? Rien n’est moins sûr. L’histoire a montré que, dans l’espace-temps si spécifique où ils évoluent, les spéculations les plus irrationnelles restent toujours du domaine du possible. Rien ne dit donc qu’ils ne pourraient, un jour ou l’autre, retrouver la lumière au sortir du tunnel. Et pour répondre au désarroi du béotien, on ne peut même pas espérer le moindre éclaircissement de la part des sondeurs, commentateurs et autres radiesthésistes qui pullulent dans le monde de la communication. Ils semblent tout autant broyer du noir que les scientifiques à la recherche l’explication du Grand Tout. En attendant, le monde ordinaire de tout un chacun continue de tourner de guingois. Comme d’habitude.

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