À propos de La terre promise, le nouveau film de Francis Reusser, 44 ans après Biladi, une révolution.
Une irradiante beauté se dégage des voix de cette cinquantaine de jeunes gens réunis par la ferveur de chanter, et là réside l’émotion filtrée par le nouveau film du réalisateur romand Francis Reusser, qui documente la tournée du chœur du Collège de Saint-Michel de Fribourg en Israël et sur cette autre terre promise que revendiquent les Palestiniens.
Des collégiens qui interprètent en arabe des airs suisses ou palestiniens, de jeunes chanteuses et chanteurs ou musiciens palestiniens qui fraternisent avec leurs camarades romands lors de concerts communs : voilà qui fait plus que symbole lénifiant à l’évocation simultanée de la dure réalité découverte par la cinquantaine de choristes « sur le terrain », de Bethléem à Hébron ou de Jérusalem à Ramallah.
Au nombre des images les plus fortes : ce jeune Fribourgeois en « bredzon » chantant a capella et en patois tel air folklorique de nos Préalpes, et ce jeune Palestinien modulant une lancinante mélopée arabe, ou ce garçon druze expliquant, entre deux concerts, son déchirement entre son identité arabe revendiquée et l’obligation qui lui sera faite de servir bientôt dans l’armée israélienne, contre ses convictions.
La Terre promise n’est pourtant pas, au premier chef, un film politique. Si Francis Reusser fut un des premiers à défendre la cause palestinienne, dans Biladi, une révolution, datant de 1970, l’auteur du godardien Grand soir et du Printemps de notre jeunesse, chronique rétrospective plus récente rassemblant diverses figures du gauchisme romand, s’en tient ici à la position d’un témoin affectueux, quitte à ponctuer son film de vers significatif du grand poète palestinien Mahmoud Darwich, scandés par Darina Al Joundi. De l’église Sainte Catherine où Philipe Savoy, chef de chœur, dirige la première répétition de celui-ci, aux abords des colonies illégales ou le long du Mur, en passant par le Conservatoire Suhail Khoury, pour finir sur une interprétation « croisée » de Carmen ou une dernière étape à Masada, le film de Reusser combine, avec beaucoup de sensibilité chaleureuse, les cadrages serrés sur les beaux visages des jeunes gens sur fond de chœurs admirables.
« Passé le cap du Grand soir, à se frotter au bleu-marine des lacs et aux altitudes, je découvre avec modestie que si rien n’a changé pour l’essentiel de nos espoirs et de nos rébellions, tout par contre peut-être pensé et fait AUTREMENT, films y compris » écrivait Francis Reusser, précisant en l’occurrence, dans l’esprit de l’association Des instruments pour la paix : « C’est tout l’enjeu de ce projet que de revenir la mémoire enrichie ,porteur du seul message imaginable : que Palestiniens et Israéliens voient un jour sur ce petit territoire s’installer une paix durable et plurielle ».
Depuis le film-tract de 1970, ladite paix, que Mahmoud Darwich dit « défaite des glaives devant la beauté », ne s’est hélas guère rapprochée. Mais comme le dit aussi le poète : « La vie, nous l’aions demain »…
À l’affiche : à Fribourg, au Cinéma Rex, ce jeudi 5 juin, une projection de La Terre promise sera donnée en présence du réalisateur et de la Chorale du Colège Saint Michel. Au cinéma, le film sera programmé dès le 4 juin dans les salles romandes.