Magazine Journal intime

La Boum En Version Sous-Titrée.

Publié le 19 mai 2008 par Mélina Loupia
Et comme la journée n'avait pas eu son lot d'activités de masse, il fallait la terminer en beauté. Faire comme tous les jeunes d'hier, d'aujourd'hui et peut-être demain, la fête sous prétexte qu'on est vendredi soir et que demain, on pourra dormir jusqu'à quinze heures du matin. Une sorte de Saturday Night Ferver, mais de l'Est. Car oui, pour conforter les relations cordiales entre nos deux pays  et consolider le bloc européen, on leur a montré qu'on savait s'amuser dans nos campagnes et nos foyers ruraux. Mais ici, pas de bras, pas de chocolat. Si tu viens à la teuf, t'amènes à bouffer. Sinon, tu rentres pas. Pas sitôt rentrée de la radio, je me précipite sur le piano. De la cuisine. Et en avant pour la réalisation, le montage et le mixage de deux fondants au chocolat et deux gâteaux au yaourt sans citron, dont j'avais perdu la trace entre le tapis de la caisse et la maison, en l'ayant payé, j'ai fait un heureux acide. Comme je n'ai qu'en ma possession qu'un four et deux moules ronds identiques, à quelques cabossures près, j'ai tenté l'aventure de la cuisson par duo. Première erreur. Même si, par définition, mon four du top de la technologie culinaire de l'an 2000 fait tourner la chaleur qui se répand de façon homogène dans son ventre pour permettre une cuisson savoureuse et répartie équitablement sur les denrées, il ne faut tout de même pas lui faire une confiance aveugle et croire qu'il va tout seul détecter que j'ai deux gâteaux à faire cuire, l'un en dessous de l'autre, aux bonnes hauteur et température, pendant que j'aurai tout le loisir de préparer les deux suivants. Mais trop bon, trop con, j'ai enfourné sans vraiment y penser, et ce n'est qu'au bout des trente minutes réglementaires que j'ai réalisé que j'avais signifié à cette estrasse de four de sa mémé qu'il devait cuire de grosses pièces de viande rouge. Il était évident à ce moment-là que la pointe du couteau enfoncée au centre du gâteau n'est pas vraiment ressortie sèche et propre, prête à être remise dans le tiroir des couverts. Alors j'en ai sorti un, le plus cuit, et j'ai laissé l'autre se dorer la croûte en solo. Pendant que le second tentait de rattraper le temps perdu de cuisson, et qu'Arnaud ne trouvait rien de mieux que de me supplier de ne pas l'obliger à mettre un jeans pour la fête, je tentais de me souvenir des proportions scolaires du gâteau yaourt à base de pot de yaourt. "Maman, tu peux pas faire ça, tu le sais, les jeans, des fois c'est trop serré, des fois c'est pas assez -La farine, c'est deux ou trois pots de yaourts? -Autant que d'oeufs maman. -Oui, mais combien d'oeufs? Si tu me dis autant que de pots de farine, tu mets le jeans de papa. -...Regarde sur Internet. -Satanée génération. -Bon alors et mon survêt' gris, il est où? -Au sale. -Et on peut pas le laver? -Mais si je le lave, il sera propre au moment où on sera en train de danser. -Je vais pas y aller avec le survêt' mouillé non? -Alors mets un jeans. -Si je te dis combien d'oeufs et de pots de yaourts de farine tu mets, tu me laves mon survêt' avec le programme expresso maman? -... Fais péter la recette. -On dit trois, trois, deux, deux, un, un. -Attends, attends, attends, c'est quoi ça? -Mon survêt'? -Ok, c'est bon, je te le fous en programme rapide. Aboule la recette. -Trois oeufs, trois pots de farine, deux pots de sucre, deux pincées de sel, un sachet de levure, et un yaourt. Mon survêt' sera sec dans combien? -Quand le gâteau sera cuit. -Il est déjà lavé? -Mais bien-sûr, tu sais à qui tu parles là? Je savais bien que tu voudrais pas y aller en jeans. -Youpi, je vais donner à boire à mes escargots." Deuxième erreur. Non pas que l'escargot ne boit pas de Volvic Citron, mais que la conversation a duré plus que de raison et que le second fondant au chocolat avait eu le temps de muter en sablé à couper à la tronçonneuse. Qu'à cela ne tienne Fabienne, j'aurai des variantes de dessert. Prise dans mon élan inattendu d'originalités pâtissières, me voilà donc à tenter l'extrait de mandarine dans le second gâteau au yaourt alors que le premier s'était sorti d'une cuisson angoissante, ayant été perturbée par le décès prématuré d'un bébé escargot séquestré deux jours durant dans une maison en Lego totalement hermétique. Troisième erreur. La mandarine et le yaourt ne font pas bon ménage. Et d'ailleurs, je n'ai jamais vu de yaourts à la mandarine dans les supermarchés. J'ai donc utilisé mon arme secrète, le sucre glace dans lequel j'ai roulé ma préparation tel un loukoum. Alors que ma tripotée européenne terminait de s'emboucaner de musc et de béton à prise rapide pour les cheveux, j'emballais soigneusement mes quatre tentatives de dessert dans du film étirable, sans avoir le temps d'attendre qu'elles se refroidissent. Voilà, je ne le fais dire à personne, quatrième erreur, arrivée à bon port au foyer municipal où la fête tardait à battre son plein, en retard, sous la pluie et désoeuvrée, j'ai constaté ainsi que quinze mamans que le plastique se mélangeait parfaitement à mes compositions. "Bon, on va les laisser de côté pour le moment, vu la tonne de nourriture qu'on a...Mais vous prendrez bien un petit kir? -Avec plaisir. Les chips, je les mets où? -C'est vous qui les avez faits? -Non, rassurez-vous." Copilote est apparu un peu plus tard, déguisé en homme qui travaille et est allé se cacher derrière les enceintes du Disc Jokey dont je ne savais pas encore que je le connaissais. Arnaud a trouvé les petits frères des amis de ses grands frères et s'est initié à la course entre les gouttes d'eau, venant de temps en temps picorer au buffet, son survêt' de plus en plus dégueulasse à mesure des plats et de l'avancement de la soirée. J'ai servi au bar, ravitaillé et débarrassé le buffet, suis allée faire le kangourou sur la piste, histoire de me ruiner les mollets pour la semaine, ai fait trois cafetières de décaféiné, ce qui, je le concède, ne sert strictement à rien,  et ai fait quelques rondes de nuit dehors en tant que chaperon pour vérifier que les dindes ne gloussent pas trop à l'assaut des petits coqs vigoureux. La soirée a été une belle réussite. Arnaud m'a appris à danser le Madison, comme quoi on nage de plus en plus dans un anachronisme délirant dans cette famille. Copilote m'a invitée à danser "notre chanson de quand on s'est rencontrés", tous les vieux couples ont la leur, même Michèle Torr, j'ai trempé ma tignasse grâce à ZZ Top, ACDC, Indochine et Téléphone et ai été ravie de constater que les jeunes teutons dont on avait la charge ne s'éclataient que sur la musique de notre génération. Laquelle génération a tenu la dragée haute à cette horde d'ados en sautant aussi haut et chantant aussi fort qu'elle, tout en maîtrisant le bon déroulement de la soirée que j'ai trouvée formidable et au cours de laquelle j'ai rencontré des parents d'une gentillesse et d'une simplicité extrêmes. Quant aux enseignants qui organisent ce genre d'évènement depuis plus de vingt cinq ans, leur discrétion veut que je ne leur rende pas l'hommage qu'ils méritent. En sortant, après avoir rendu à la salle son aspect polyvalent, et alors que je devais faire le planton pour attendre les derniers parents qui venaient récupérer leurs enfants, j'ai fait la connaissance de ma potentielle bru. "Bonsoir, je suis la grande soeur de mon fils, Jérémy. -Ah c'est vous la mère à Jérèm?" Cinquième erreur, mais l'histoire ne raconte pas qui l'a commise. Edit : On ne dit pas la mère à, mais la mère de. Merde alors.

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